The Lost King

Comédie britannique (2022) de Stephen Frears, avec Sally Hawkins, Steve Coogan, Harry Lloyd, Mark Addy – 1h48

Suite à une représentation de Richard III, Philippa Langley, une quarantenaire en proie à des fatigues chroniques, s’interroge sur la réalité derrière cette éminente fiction. Elle rejoint alors un club de ricardien, non pas des buveurs de jaunes mais de joyeux anglais qui sifflent de la bière en échangeant sur le roi maudit. Tandis que celui-ci vient carrément la hanter, elle décide de se lancer sur les traces de la dépouille de « Richard the Third »…

1996, Al Pacino signe avec le documentaire Looking for Richard une passionnante étude du personnage shakespearien. Un quart de siècle plus tard, Stephen Frears part lui explorer, avec ce Lost King, la réalité historique qui se cache derrière cette référence théâtrale, non pas dans un documentaire ni dans un biopic en costume* mais bien dans le récit « d’après l’histoire vraie » de la romanesque aventure de Philippa Langley, l’écossaise qui retrouva, en 2012, la dépouille de Richard III. Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est évidemment pas tant la réhabilitation du roi bossu qui intéresse Frears que celle de Philippa, lancée à corps perdu à la recherche… bah d’un corps perdu justement.

Déjà dix ans après Philomena, Stephen Frears retrouve Steve Coogan et Jeff Pope à l’écriture et un Alexandre Desplat des grands jours à la musique pour une nouvelle enquête qui pourrait paraître plus légère si elle ne convoquait pas avec émotion de révoltants principes de dominations. Frears ne se refait pas… Cette émotion, il la doit évidemment à sa formidable actrice Sally Hawkins, toujours prompt à puiser la force de ses personnages dans leurs faiblesses. Avec ses cernes, son teint pale et ses lèvres tremblantes, sa touchante Philippa Langley se voit sans cesse rabaissée, même humiliée par les figures d’autorités évidemment masculines qui se dressent devant elle. Ainsi, même lorsqu’apparaît le sympathique Mark Addy, inoubliable strip-teaseur rondouillard de The Full Monty, son personnage d’universitaire se révèle vite beaucoup moins bienveillant qu’il n’y paraît. La conduisant d’Edimbourg à Leicester dans une Grande-Bretagne entre deux époques, sa quête prend vite des allures de lutte de David contre Goliath mais l’héroïne peut néanmoins compter sur son (ex?)mari, campé par Steve »cool »Coogan, mais aussi par une apparition de Richard III lui-même, un fantôme qui tient plus du fantasme.

Looking for Richard III… 2 !

Sous les traits de Harry Lloyd (quelque part entre Michael Fassbender et Tom Hiddleston pour vous situer le niveau de bogossitude), le souverain est évidemment loin du bossu hideux décrit par Shakespeare, même si beaucoup l’auront certainement découvert dans le rôle pas plus sympa de Viserys dans Game of Thrones. Et pourtant, c’est bien d’une représentation de Shakespeare que Philippa tient cette image, qu’on pourra certes trouver un peu kitsch, de ce songe de Richard III. Frears, roublard dès son générique hitchcockien, se permet d’utiliser ce trope vieux comme le monde de l’apparition fantomatique pour s’amuser des différentes représentations, théâtrales, scientifiques, fantasmés ou évidemment cinématographiques qui se joue dans son récit à visée historique tiré lui-même d’une histoire vraie !

Débouchant finalement sur de simples vestiges demeurant sous le parking d’un bureau des services sociaux, cette évocation royale ironique mais non sans une certaine tendresse n’est pas sans rappeler le Frears assagi de The Queen. Mais on ne s’y trompe pas, avec The Lost King, sur lequel il favorise volontiers la légèreté à la pesanteur, le cinéaste célèbre surtout celles qui ne sont rien face à ceux dont la réussite n’est que de façade, celles qui savent mettre à profit leur cœur face au rationalisme stérile de ceux qui ne sont, derrière leurs médailles et leurs grands principes, que de vulgaires tapineurs. Et à cet orchestre des intellectuels supérieurs on aurait envie de joindre quelques critiques qui se sont évidemment arrêtés à l’apparente simplicité du film sans vouloir y voir son vibrant hommage aux passionnés les plus modestes et à leur investissement bénévole.

CLÉMENT MARIE

Autre film de Stephen Frears sur le Super Marie Blog : My Beautiful Laundrette (1985)

* Suite à ses recherches et à sa découverte, Philippa Langley travailla à un scénario pour défendre sa vision et réhabiliter Richard III, avec, pour jouer le souverain, Richard Armitage qui fut notamment sociétaire de la Royal Shakespeare Company. Le projet n’a toujours pas abouti…


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