Hypnotic

Thriller américain (2023) de Robert Rodriguez, avec Ben Affleck, Alice Braga et William Fichtner – 1h29

Rourke, un flic traumatisé par la disparition de sa fille suite à un mystérieux enlèvement, enquête sur une série d’étranges braquages qui se révèlent vite menés par un puissant hypnotiseur…

Il nous en aura fait des choses le Robert Rodriguez, depuis son fauché El Mariachi jusqu’au thuné Alita : Battle Angel et on en passe, des pires et des meilleurs. A la vue du trailer de ce Hypnotic, on aurait pu croire à une nouvelle commande de studio (ou de Netflix…), lui qui s’était révélé un bon exécutant pour l’adaptation de Gunnm chapeautée par Cameron, mais que nenni ! Il s’agit bien là d’une pure prod made in Troublemakers (anciennement Los Holigans et apparaissant désormais sous le nom Double R Productions pour le petit égo trip…), apparemment pensée par le cinéaste depuis une vingtaine d’années, inspiré par rien de moins qu’une projection d’une copie restaurée de Vertigo. Tremblez De Palma, Verhoeven, Lynch ou Park Chan-wook ! C’est au tour de Robert de livrer son hommage au chef d’œuvre hitchcockien !

Retravaillé avec le scénariste Max Borenstein, ne vous fiez à ce nom quantique, c’est l’un des bonhommes derrière le concon MonsterVerse, il faut bien avouer que si Hypnotic laisse bien un goût de déjà-vu, on aurait pas spécialement pensé à Hitchcock en premier lieu. Nous rappelant ainsi qu’il est un peu le Besson mexicain, Robert semble s’être aussi inspiré de tout un pan de sa dvdthèque, du Déjà-vu de Tony Scott à Témoin du mal pour reste chez Denzel mais surtout le film qui a marqué le thriller fantastico-psychologique : Inception évidemment. Empruntant à Nolan ses flash-backs de cartes postales, son alliance à l’importance cachée et son mélodrame conjugale enfoui dans les méandres de son intrigue, sans parler des money-shots à base de retournement de décors, ici agrémentés d’un effet tout chelou qui donne l’impression d’avoir gobé un truc chimique, on aurait pu croire que Robert allait nous livrer d’Inception une relecture moins sophistiquée mais diablement plus fun. Malheureusement, il faudra se contenter d’un film un brin radin niveau action et de l’aplomb d’un réalisateur sûr de marcher sur les traces d’Hitchcock et Philip K. Dick et qui, au contraire, semble justement ravi de faire joujou avec son script « poupées russes » qui enfile les twists dont aucun ne fait jamais vraiment mouche.

Là, on est sur du labyrinthe mental, c’est même le décor qui le dit !

Vous l’aurez compris, Hypnotic n’est sûrement pas le chef d’œuvre de l’été, n’empêche qu’il fleure malgré tout le bon vieux film du dimanche soir, notamment par son casting : en méchant, William Fichtner avec, non qu’il en ait vraiment besoin, une cicatrice sur le visage et, en atout charme, Alice Braga, qu’on est, depuis La Cité de Dieu, toujours ravi de retrouver. Enfin, et évidemment, en tête d’affiche, c’est l’ex-ex de J-Lo, Ben Affleck, qui prête sa mâchoire serrée au flic ténébreux Rourke pour un rôle qui témoigne de la mutation de l’acteur, passé de grand benêt hollywoodien à star déchue à l’œil triste, portant en elle le poids d’échecs et de démons intérieurs qui ont garnis bien des feuilles de choux. Bon, on est loin du héros badass ultime mais il suffit de s’en rappeler à quelques vagues souvenirs de Paycheck pour mesurer le chemin parcouru… Si, y’a eu du chemin parcouru, non ? Et pour Robert alors ? On peut trouver que le cinéaste s’est un peu perdu dans ce thriller pyscologique assez poussif mais, sans pour autant rompre avec son premier degrés bienvenu, le bidule contient malgré tout sa dimension méta et c’est bien le cinéma de Rodriguez qui finit carrément par apparaître à l’image ici : un cinéma familiale (pour un générique plein de « Lil Rodriguez » et où papa trust un max de postes), tourné dans les studios Troublemaker (il a même réutilisé ici des décors « mexicains » construits pour Alita) avec, toujours, cet esprit de B-movie, quand bien même si on cause quand même d’un budget de 65millions de dollars).

On le répète, Hypnotic, c’est donc pas du Hitchcock. N’empêche qu’à une heure où il n’échappe plus à personne qu’Hollywood ressemble surtout à un rayon de supermarché, il n’est pas interdit de trouver une forme de charme désuet dans cette espèce de bisserie d’Inception, ce petit pot pourri du thriller fantastique de moins d’une et demi (sûr qu’il aurait même pu passer sous les 1h25…) rappelant davantage d’autres rayons, ceux des vidéo-clubs. De là à pousser le délire en franchise comme le sous-entendrait la scène post-générique… On répond donc surtout pas !

CLÉMENT MARIE


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