Extrême Limite

Walking the Edge Vigilante américain (1985) de Norbert Meisel, avec Robert Forster, Nancy Kwan et Joe Spinell – 1h33

Chauffeur de taxi à Los Angeles, Jason Walk conduit une mystérieuse cliente, Christine, sans savoir qu’elle est en croisade pour venger la mort de sa famille. Réchappant avec elle d’une fusillade, il doit maintenant trouver un moyen de se faire oublier…

Sorti en Blu-ray dans la Midnight Collection que l’éditeur Carlotta consacre à des bandes d’exploitation des années 70 et 80, Extrême Limite n’aurait pas attiré mon attention sans la présence de Robert Forster, l’acteur qui inspire une irrémédiable tendresse pour quiconque l’a découvert dans Jackie Brown. Et Extrême Limite lui doit effectivement beaucoup, faisant du film le plus célèbre de la discrète carrière de Norbert Meisel. Acteur d’origine autrichienne ayant fait des apparitions non créditées dans une poignée de films de guerre et un Alfred Hitchcock (Le Rideau déchiré, 1966), Meisel s’est reconverti dans la réalisation pour offrir du travail à sa compagne actrice Nancy Kwan ; c’est un peu le couple Paul Newman/Joanne Woodward du bis. Ainsi, après l’érotique Dreams of Desire (1981), ils se lancent dans le vigilante et s’adjoignent donc les services de Robert Forster qui ramène en plus avec lui Joe Spinell avec lequel il vient justement de tourner Vigilante de William Lustig. Tourné sans autorisation dans les rues de Los Angeles en été 82 (l’amateur le constate en voyant passer à l’écran les énormes panneaux publicitaires de Creepshow, Star Trek 2 et Rocky 3), le film ne sort qu’en janvier 1985 à cause de litiges judiciaires.

Extrême Limite est donc une vraie bande d’exploitation tournée à l’arrache. Il est impératif de choper très vite l’attention du spectateur avant qu’il ne rebrousse chemin : c’est chose faite avec la scène d’ouverture montrant le brutal massacre de la famille de l’héroïne, après un générique sur des plans nocturnes de L.A. sur les synthés chatoyants de Jay Chattaway. Puis, après une ellipse de deux ou trois ans qu’on comprend après coup, Christine rencontre Jason et lance les hostilités du vigilante. On est un peu surpris de découvrir que le film de Norbert Meisel est une déclaration d’amour à Nancy Kwan car il loupe l’occasion d’en faire une vengeresse impitoyable. Après les meurtres de deux des cinq responsables de la mort de sa famille, Christine est ensuite cloîtrée en bonne femme d’intérieur chez le personnage de Robert Forster qui va devoir terminer le boulot tout seul. Dès sa première apparition dans le film, Forster va d’ailleurs amener une étonnante flegme au film qui, s’il égrène encore quelques images gores et brutales à l’occasion de tortures et de meurtres expéditifs, se distingue plutôt par son rythme étrangement lancinant – allez, osons le dire, à la Tarantino.

Jason Walk (Robert Forster) vient de retrouver ses boules…

Tarantino a-t-il vu Extrême Limite et s’en est-il influencé, il est impossible de le savoir mais aisé à l’imaginer. Outre la présence salutaire de Robert Forster, il y a une oreille coupée montrée plus frontalement que dans Reservoir Dogs, il y a des errances dans Los Angeles comme dans Pulp Fiction ou Jackie Brown, et il y a ce faux rythme qui prend son temps dans les exigences du genre. Un contretemps parfaitement incarné par Robert Forster – on va finir par penser que le film ne le mérite pas. Au départ, il nous est présenté comme un véritable loser un peu fainéant, bien loin du justicier solitaire : il rechigne à collecter l’argent du bookmaker pour lequel il travaille, il découvre qu’il est cocu en rentrant chez lui puis il a une panne avec la barmaid aux gros seins qui s’est proposée pour le consoler. Poussé à l’extrême limite, il se révèle soudain téméraire et méthodique, une transformation que le scénario amorce maladroitement mais que l’acteur, lui, n’a aucun mal à nous faire croire avec la force tranquille qui le caractérise. Imposant le tempo de ce vigilante à la cool, Forster se révèle autant dans les passages obligés du genre, quand il s’agit d’être monolithique lors des exécutions et coups de pression, que dans les interstices, les séquences a priori anodines qu’il sert de son naturel désarmant, par exemple quand il ramène du McDo à Christine et scelle sa complicité avec elle. Et Meisel, comme il fait quelques trucs bien sur son film quand même, offre à l’acteur un cadre convaincant : ce Los Angeles filmé à la volée en ressort avec d’autant plus de réalisme, accru par quelques seconds rôles marquants comme cette voisine fouineuse (sa curiosité sera sévèrement punie) ou cette prostituée si crédible qu’elle semble avoir été castée quelques heures avant les prises. Et puis l’incontournable Joe Spinell, qu’en commençant le film on se dit « Super, ils l’ont encore pris pour faire le méchant, quelle originalité ! » et qu’à la fin, on se dit « Heureusement qu’il y avait Joe Spinell quand même… » Extrême Limite a donc du caractère à servir au spectateur qui voudra y voir plus qu’un vigilante paresseux.

BASTIEN MARIE

Le trailer qui en montre beaucoup trop !

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