Les Gardiens de la galaxie Vol. 3

Guardians of the Galaxy Vol 3 Film de super-héros américain (2017) de James Gunn, avec Chris Pratt, Bradley Cooper, Zoe Saldana, Dave Bautista, Karen Gillan, Pom Klementieff, Sean Gunn, Will Poulter – 2h30

Alors que Rocket Raccoon, traqué par celui qui l’a « fabriqué », se retrouve dans un coma qui le confronte à son douloureux passé, les Guardiens de la galaxie se lancent dans une ultime aventure pour sauver leur ami…

Marvel ceci, Marvel cela… Ca fait désormais quinze ans que le MCU s’est déployé sur nos écrans, trustant avec insolence le box-office tout en occupant bruyamment un espace médiatique qui s’étend largement au-delà des écrans de cinéma… Alors que les chaussures de béton semblent depuis quelques mois s’émousser, révélant l’argile des pieds de ce colosse de l’entertainment, voici venu le temps pour leur plus sympathique wonder boy de rendre les armes, Marvel posant leur Gunn avant qu’il y ait maldonne. Les Gardiens de la galaxie Vol. 3, plus qu’un énième opus passe-plat, sonne alors comme de véritables adieux généralisés, aussi bien derrière la caméra pour les chevaux de l’écurie qui courent ici leur dernière course* que devant l’écran de cinéma pour une part non négligeable d’un public lassé de n’être considéré que comme des vaches à lait, regardant passer les wagons d’un train-train nommé pop-culture. S’il reste évidemment sur les rails, le baroud d’honneur de James Gunn a bien le petit supplément d’âme qui distinguait sa trilogie du reste de la saga.

Dès sa séquence d’introduction, sur le son du Creep de Radiohead, Gunn donne le la de sa conclusion qui se veut plus émouvante que ces prédécesseurs en affirmant encore davantage leur thématique centrale : celle des freaks et des geeks… Et si la scène vous semble un brin surchargée en personnages multicolores et créatures de tous types, vous pouvez d’ores et déjà quitter la salle, car Les Gardiens de la galaxie Vol. 3, de cette à intro à son dernier acte « Planète du docteur Moreau », tient purement de la foire aux monstres, s’imposant comme un rejeton thuné et hyperactif (à défaut d’être subversif…) du Freaks de Tod Browning, du Cabal de Clive Barker ou d’une des ménageries du cinéma de Tim Burton. Loin du gringalet de Brooklyn ou du nerd « fils de », nos canailles de l’espace ont certes su prouver leur valeur mais, sans s’être changés en super Capitaine beau gosse ou en milliardaire « fils deup » à la Elon Musk, sont eux restés des monstres… des monstres gentils mais des monstres quand même.

Venant d’une époque lointaine, très lointaine, où pouvoir citer toutes les planètes de Star Wars ne faisait pas de vous le type le plus cool du collège, le cinéaste ne l’a jamais caché, c’est bien à Rocket Raccoon qu’il s’est le plus identifié, allant même jusqu’à déclarer : « Rocket Raccoon, c’est moi ! ». En faisant cette fois-ci du raton laveur le (anti ?) héros, nul doute que Gunn signe, malgré l’énorme machinerie et les dollars par centaines de millions, un film très personnel. Enchaînant un dialogue humoristique draxien sur les analogies et les métaphores et un face à face entre Rocket et son ennemi, difficile de ne pas voir alors dans ce sinistre Maître de l’évolution Kevin Feige lui-même, chef d’entreprise surpuissant et passionné qui emprisonne des cerveaux dans le but de construire son utopie, une utopie ratée condamnée à l’échec et au reboot…

Derrière le Rocket Raccoon qui aime les guns, un « Rocket Man » qui apprend à s’aimer… Forcément, ça prend un long long moment…

Alors que Feige semblait avoir réalisé le rêve d’Hollywood, à savoir fournir le produit parfaitement calibré pour répondre aux attentes de son public, des spectateurs transformés en purs consommateurs rendus sondables à outrance via les réseaux sociaux, il avait bien eu besoin de James Gunn pour insuffler le supplément d’âme à sa saga marketée jusqu’au trognon. Après l’échec d’un Taika Waititi, le neo-Gunn qui a vite suscité la haine des fanboys, d’un Sam Raimi, celui qui a tout rendu possible mais qui n’a été réinvité que pour réciter son best-of, et maintenant que le vent soufflé par ces gardiens il y a dix ans n’est plus si frais, on ne peut que saluer la façon dont le petit gars de chez Troma parvient à baisser le rideau avec la sincérité des débuts. Une sincérité qui contrecarrerait presque les lourdeurs inhérentes au MCU : si le film paraît bien long, on peut comprendre le besoin de faire durer un peu ce dernier tour de piste ; s’il se prend les pied dans son trop plein de personnages, comme ce Adam Warlock promis il y a six ans et qui se révèle plus embarrassant qu’autre chose, il tire un parti doux-amer bienvenu du reboot du couple StarLord/Gamorra ; s’il dégueule de références pop, invoquer Babe, Fantômes contre fantômes ou Robocop (cité certes au détour d’une réplique « coup de coude » mais surtout via la partition de John Murphy) avec une telle candeur ne pouvait que nous toucher… Et s’il tape toujours allègrement dans les standards, sa playlist, de Radiohead à The The en passant par le Do you realize ? de Flaming Lips, a su me renvoyer à mon disc-man de lycéen.

Et oui, Les Gardiens de la galaxie Vol. 3 est un film doudou, mais un doudou bizarrement branlé, dont on voit les coutures robotiques mais, ni vraiment rafistolé par Gunn, ni complétement torturé par Feige, juste conçu ainsi, un film Rocket Raccoon, un film monstrueux et attachant, à l’humour un peu pas drôle, dont le cynisme est surtout de façade et cache mal son bon cœur malgré un rapport terriblement ambigu, voire carrément chaotique à la violence… En attendant de savoir, après qu’il ait fait ce que Marvel/Disney puis maintenant DC/Warner demandaient de lui, ce que James Gunn veut vraiment, on lui souhaite d’atteindre la maturité à laquelle il semble aspirer et une paix durable et fertile… En gros, mon disc-man me souffle de conclure sur Waitin’ for Superman

CLÉMENT MARIE

*Spoiler alerte : Les Gardiens de la galaxie reviendront… en fonction des prochains bilans fiscaux…

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