La Montagne

Film fantastique français (2022) de Thomas Salvador, avec Thomas Salvador et Louise Bourgoin – 1h53

Lors d’une réunion au pied des Alpes, Pierre, ingénieur en robotique, est irrésistiblement attiré par la montagne. Sur un coup de tête, il la gravit et décide de ne plus redescendre. Sa paisible vie en altitude est bientôt troublée par une étrange découverte…

Thomas Salvador avait sorti son premier long-métrage, Vincent n’a pas d’écailles, il y a déjà huit ans. Une longue parenthèse qu’on attribuerait moins à une procrastination de son auteur à accoucher de cette Montagne, lui qui est passionné d’alpinisme depuis longtemps et fidèle à la fibre fantastique de ses débuts, qu’à une difficulté à monter ce projet modestement ambitieux. En plus d’un cinéma fantastique, même minimaliste, restant un terrain glissant dans l’industrie française, Salvador se met en tête de filmer la majeure partie de son métrage dans les hautes altitudes des Alpes et de se réserver le rôle principal, ne concédant au star system qu’une romance avec Louise Bourgoin. Tant de sommets intimidants en préproduction qui ne deviennent que de minuscules flocons de neige balayés par le vent face au résultat final qui s’impose avec une évidence renversante et réserve, au cœur de sa simplicité apparente, un émerveillement rare dont il vaut mieux se préserver avant la vision du film. Aussi, sachez que vous continuez la lecture de cet article à vos risques et périls…

Je me dois d’abord de signaler que je n’ai jamais vu Vincent n’a pas d’écailles et que je ne me risquerai donc pas à dresser de parallèle entre son super-héros devenant un nageur véloce et l’inertie à l’œuvre dans les aventures de Pierre, se sentant dans son élément, vu son prénom, au milieu des roches des Alpes. Mais force est de constater qu’en se donnant de nouveau le rôle principal de son propre film, Thomas Salvador, et son visage impassible, se présente en descendant de Buster Keaton et en figure non pas burlesque mais incarnant le merveilleux. En plus de cette parenté, Salvador retrouve aussi d’un cinéma des pionniers une certaine naïveté artistique, non seulement dans ses effets très spéciaux – on y reviendra en amont – mais aussi dans sa simplicité narrative. Un plan sur les irrésistibles sommets suffit à poser la soudaine fascination de Pierre, une entrevue avec sa famille à nous faire comprendre qu’il ne redescendra pas, quelques panneaux signalant le niveau d’un glacier à nous rappeler les périls de ce paysage, un cours avec un moniteur aguerri à nous montrer que notre protagoniste a dompté le milieu, etc. C’est avec ces rudiments scénaristiques, couplés avec des préoccupations contemporaines tout autant tenues à l’essentiel, que Salvador évolue doucement mais sûrement dans son 1h53 de métrage, durée conséquente qui ne se fait nullement ressentir par le spectateur fasciné tant elle est nécessaire à l’évocation de ce paysage éloigné de tout et à l’émergence délicate de l’argument fantastique, non plus hérité de Keaton mais d’Abyss, carrément.

Pierre (Thomas Salvador) a la main qui brille, et ce n’est pas dû qu’à la profonde solitude en haute altitude…

Si vous n’avez pas vu La Montagne, c’est donc là qu’il vous faut rebrousser chemin, les spoilers stoppant votre ascension. Car les petites bestioles qui vivent là-haut, ces lueurs tel que les présente le synopsis officiel un peu trop révélateur, sont des espèces de chenilles de charbon ardent s’insinuant dans les glaces tenant entre eux les roches et qui, les faisant fondre, font vraisemblablement s’effondrer une partie des massifs. Quand je disais que la langueur de La Montagne était nécessaire à l’apparition de ces créatures, c’est que nous sommes ainsi amenés à les accepter plus aisément dans leur milieu et à avoir encore plus de mal à définir ce qui les anime : effets spéciaux physiques ou numériques seraient tout aussi plausibles à leur élaboration qui nous échappe totalement. L’émerveillement est total, d’autant plus que nous les découvrons uniquement à travers le regard de Pierre, nous donnant des vertus d’explorateurs comme le cinéma de fiction en offre rarement. Au contact des créatures, Pierre vivra une expérience transcendantale, comme une renaissance au cœur de l’environnement qui le fascinait tant ; c’est en cela que le film rejoint à mon sens Abyss. Et en plus, à la fin, il emballe Louise Bourgoin qui n’a jamais été aussi belle et juste que dans ce film. Le slogan disait donc vrai : La Montagne, ça vous gagne !

BASTIEN MARIE


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