Le Redoutable Homme des neige

The Abominable Snowman Film fantastique britannique (1957) de Val Guest, avec Peter Cushing, Forrest Tucker, Maureen Connell, Richard Wattis, Robert Brown, Michael Brill, Wolfe Morris et Arnold Marle – 1h31

Au cœur de l’Himalaya, le Dr Rollason, biologiste britannique, et Tom Friend, un homologue américain beaucoup moins scrupuleux, se lancent, contre les avertissements du Lhama de la région, dans une expédition à la recherche du yéti…

Au début des années 1950, le mythe du yéti est particulièrement populaire après qu’une série d’expéditions dans l’Himalaya ait ramenée des photographies d’immenses empreintes dans la neige. Au seuil de son âge d’or, la Hammer, célèbre firme de films d’horreur britannique, exploite le filon avec ce Redoutable Homme des neiges (« l’abominable » du titre original, devenu formule consacrée, échappe au titre français, peut-être à cause de séries B américaines antérieures). Il est fondé sur un scénario de Nigel Kneale, exigeant auteur maison, qui avait déjà fait l’objet d’un téléfilm d’une heure pour la BBC deux ans plus tôt. Peter Cushing, qui tournait ici le premier de ses 22 films pour la Hammer, y tenait déjà le rôle du Dr Rollason auquel on donne une épouse (Maureen Connell) pour ajouter une demi-heure de métrage. Face à lui, dans le rôle de Friend (attention, son nom est un faux-ami !), on engage Forrest Tucker, trogne de nombreux westerns engagé pour aguicher le public américain. Quant à la réalisation, elle est assurée par Val Guest qui a déjà fait ses preuves pour la Hammer avec les succès des deux premiers films de la trilogie Quatermass, Le Monstre (1955) et La Marque (1957), déjà écrits par Kneale qui ne voyait pas d’un bon œil le réalisateur coutumier de simplifier ses scripts. Le scénariste fut plus tendre avec Le Redoutable Homme des neiges, tourné non pas en Himalaya mais dans les Pyrénées françaises durant quelques jours pour des plans larges en l’absence des acteurs principaux, puis dans les studios de Pinewood.

Revu aujourd’hui dans l’impeccable bluray que lui a consacré ESC Editions, Le Redoutable Homme des neiges n’a rien perdu de son charme. Deux ans avant que Tintin n’aille au Tibet, ce sont donc Val Guest et Peter Cushing qui foulent le sol enneigé et mystérieux de l’Himalaya. Filmé dans un ample scope aussi idéal pour les plans larges des sommets enneigés que pour les séquences en studio assez théâtrales, le film n’est presque que modérément fantastique. Guest ne s’est jamais vu proposé par la Hammer de mettre en scène Dracula ou Frankenstein car il était attaché à des créatures plus crédibles. Avec Peter Cushing devant sa caméra, il trouve un acteur idéal tant la star prend un visible plaisir à jouer le rigoureux scientifique, totalement absorbé par l’observation à la loupe d’artefacts et de preuves de l’existence de la créature. Ainsi, Le Redoutable Homme des neiges commence avec un dialogue fourni spéculant volontiers sur le yéti avant même qu’on ne se lance à sa recherche, renforçant encore le potentiel de ses éléments fantastiques en le contrastant avec l’esprit cartésien de ses protagonistes. Au risque que ceux-ci n’accusent un coup de vieux, notamment dans la diplomatie avec laquelle Rollason et Friend mettent leurs différents, pourtant profonds, sur le compte de la raréfaction de l’oxygène en altitude…

Ed Shelley (Robert Brown) et Tom Friend (Forrest Tucker) se retrouvent avec un sacré paquetage sur les bras. Pas sûr que ça se redescende en traîneau…

Les prétentions « scientifiques » du Reboutable Homme des neiges tiennent encore bien la route, d’autant plus qu’elles n’empiètent pas sur le fantastique et laissent le mystère éclore une fois nos héros partis pour leur expédition (on en profite pour vous signaler qu’on spoile à partir de ce point). Par exemple, les capacités télépathiques des yétis sont laissés à la déduction du spectateur via les transes d’un compagnon de Rollason ou du Lhama. Et surtout, Val Guest choisit de conserver sa créature hors-champ le plus possible, parvenant à convaincre le studio dans ce sens. Montrer frontalement le yéti dans un costume un tant soit peu perfectible aurait effectivement été risqué, a fortiori après cette première partie si scrupuleuse à rendre son existence tangible. A l’exception d’une occurrence assez étrange (Rollason et ses compagnons observent avec fascination la carcasse d’un yéti qu’on ne voit pas, nous frustrant d’en voir moins qu’eux), ce choix de la suggestion, que n’aurait pas renié un autre Val (Lewton, producteur de La Féline), s’avère payant, les quelques apparitions du yéti n’en devenant que plus angoissantes et le film se conservant encore un peu plus des affres du temps. Depuis, l’abominable homme des neiges n’a d’ailleurs pas eu souvent les honneurs du grand écran, ou alors pour se rendre compte qu’il n’est abominable que de nom ; après son hilarante apparition dans Monstres & Cie (2001), il est même devenu une coqueluche de films d’animation : Mission Yéti (2017), Yéti & Compagnie (2018), Abominable (2019). C’est peut-être parce que Le Redoutable Homme des neiges ne fit pas un succès à sa sortie, doublé par des concurrents en couleurs et issus du même studio comme Frankenstein s’est échappé ou Le Cauchemar de Dracula. Mais aujourd’hui, on peut dire sans trop se mouiller qu’il est l’un des meilleurs films de yéti.

BASTIEN MARIE

Parce qu’un trailer, c’est bien, mais commenté par Joe Dante, c’est mieux.
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