Second tour

Dramédie politique française (2023) d’Albert Dupontel, avec Albert Dupontel, Cécile de France, Nicolas Marié – 1h35.

Dans le tumulte du second tour de l’élection présidentielle, une journaliste, reléguée au sport suite à un reportage à charge contre les actionnaires de sa chaînes, se retrouve avec son caméraman à suivre le favori des sondages, Pierre-Henry Mercier. Alors qu’elle se souvient l’avoir connu adolescent, elle découvre vite le secret du candidat qui pourrait bouleverser cette fin de campagne…

Parti sillonner les routes de France en véritable campagne pour présenter son dernier né, pour un circuit d’avant-première qu’il a largement contribué à démocratiser, lui préférant celui des plateaux de télé, Albert Dupontel est donc passé le 16 juin dernier au CinéMoviking de Saint-Lô et c’est là-bas que j’ai donc découvert, un an après un autre de triste mémoire, ce Second tour malheureusement à peine plus réjouissant… Néanmoins, le cinéaste restant un sacré monsieur, la rencontre fut passionnante, impactée notamment par l’émotion non feinte des retrouvailles entre Dupontel et la nounou de son enfance, un épisode qui semble avoir marqué le réalisateur, l’évoquant même dans sa dernière interview chez Thinkerview (à 15’40, vous retrouverez facilement, c’est aussi le moment qui a apparemment marqué les viewers). Si l’anecdote ne manque pas de montrer à quel point nos grands élus excellent à se montrer hors sol, elle semble aussi révéler une certaine déconnexion de Dupontel lui-même…

Serez-vous retrouver ce triste sire de Marie blogueur qui est resté assis pour la standing ovation?…

Il n’arrête pas de le dire en interview, quand on ne lui rappelle pas, Dupontel ne vote pas et n’a pas la télé et justement, Second tour ressemble tout à fait au film d’un cinéaste qui ne vote pas et n’a pas la télé. Si cela peut s’avérer salutaire, lui permettant un pas de côté aisé et sincère pour jouir de la même licence poétique déjà permise par le changement d’uniforme de la municipale dans Enfermé Dehors, ce regard extérieur et lunaire se révèle tout aussi problématique dans un réalisme qu’il cherche malgré tout à mettre en place. Etranger au monde de la politique, des journalistes et même du foot, le point de vue de Dupontel manque vite de mordant face à de tels sujets, ainsi que sur celui de l’éducation face aux déterminismes qui semble pourtant lui tenir à cœur depuis tant d’années, le cinéaste admettant qu’il enfonce surtout des postes ouvertes. Fuyant la question d’un cinéma politique français en prenant comme référence historique Bobby Kennedy et comme référence poétique Frank Capra, Second tour semble passer à côté de son sujet, ou plutôt son sujet passer à côté de nos problématiques nationales.

Dupontel, en parfait candidat, finit par décevoir…

Comme d’habitude, ce papier n’engage que moi et l’approche du malgré tout sympathique Dupontel saura certainement charmer une partie de ses spectateurs et lui permettra peut-être même, qui sait ?, de bien vieillir, j’ai malheureusement trouvé qu’après le crépusculaire Adieu les cons, Second tour renouait avec toutes les faiblesses de ce précédent opus, notamment ces flashbacks à l’esthétique discutable. Plus largement, on est loin du magnifique travail numérique à l’œuvre sur Au revoir là-haut et, si le budget n’est pas vraiment le même, on en vient à se demander pourquoi tourner sur un parking avec fond vert une scène avec Bouli Lanners se déroulant simplement au bord d’un terrain de foot. Corseté par ce réalisme poétique de plateau numérisé et un scénario à tiroir qui se perd en flashbacks, le cinéma de Dupontel en peine à rester beau et à retrouver sa pleine folie. C’est bien elle qui fait le plus défaut ici, ne tenant plus qu’à la présence toujours bienvenue de Nicolas Marié et une petite poignée de répliques bien senties. Alors que l’énergie du désespoir faisait toute la puissance de son cinéma, sans l’énergie, on est un peu amer que Dupontel semble se satisfaire de nous laisser ainsi avec notre désespoir…

CLÉMENT MARIE


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