Challengers

Film de sport américain, italien (2024) de Luca Guadagnino, avec Zendaya, Josh O’Connor et Mike Faist – 2h11

Art Donaldson et Patrick Zweig, tennismen en fin de carrière, s’affrontent en finale du tournoi de New Rochelle, qualificatif pour l’US Open. Aujourd’hui rivaux, ils étaient treize ans plus tôt des amis inséparables, jusqu’à ce qu’ils rencontrent Tashi Duncan, espoir du tennis féminin, dont ils tombent tous deux immédiatement amoureux…

J’ignore ce qu’il en est pour l’autre Super Marie, mais en ce qui me concerne, je goûte peu au cinéma de Luca Guadagnino. Je l’avais découvert en salles avec A Bigger Splash (2015), comblant un trou dans une journée de plusieurs séances ; j’avais mis la moitié du film à comprendre que c’était un remake de La Piscine, et l’autre moitié à décréter qu’il n’était pas très inspiré. Puis j’ai rattrapé Call Me By Your Name (2017) sur Netflix, bien longtemps après sa hype aux Oscars que je ne trouvais pas déméritée : le film savait faire renaître les émois amoureux d’un été de vacances, mais je n’avais pas grand chose à faire de ses personnages bourgeois et érudits. On m’a prêté en bluray son Suspiria (2018) que je redoutais, à raison : comme Dario Argento, je n’ai pas compris pourquoi ce film, indépendamment des qualités qu’on peut lui trouver (aucune, pour ma part), était un remake de Suspiria, à part pour capitaliser sur un nom reconnu pour sauver un film imbitable. Enfin, j’ai loupé Bones and All (2022), car il faut bien reconnaître que les films du sicilien sont étrangement mal distribués. A part Challengers qui a droit à un petit traitement de faveur grâce à la présence, au casting et à la production, de Zendaya. Encore que, produit par la MGM appartenant à Amazon, le film aurait très bien pu finir sur la plateforme si Warner Bros n’avait pas récupéré les droits d’exploitation à l’international. Et je dois dire que malgré mes rapports duels au cinéma de Guadagnino, j’avais quand même très envie de voir Challengers. Parce que je trouve son affiche très belle, qu’il y a peu de films mémorables sur le tennis qui offre donc des possibilités de mise en scène, et que dans ce que je devinais de son triangle amoureux adulte et sulfureux, je pensais que ça pouvait ressembler à du Mike Nichols. Malgré son box-office insuffisant et des critiques contrastées, je me rendais donc en salle…

Et en en sortant, je me suis dit que j’avais eu raison de me laisser séduire par Challengers, car il est effectivement séduisant. Cela tient principalement au charme de son trio d’acteurs, portant sur eux l’élégance de parfaits tennismen et auxquels on a envie de se frotter à l’écoute de la musique clubbing de Trent Reznor et Atticus Ross. Guadagnino expose une mise en scène rutilante, ne cessant de titiller l’œil jusqu’à un match final proprement orgasmique, malgré son rythme hoquetant et son déroulement peu crédible, durant lequel le réalisateur ne résiste pas à l’envie de foutre sa caméra partout : en dessus du court, en dessous du court, en vue subjective des joueurs et, pourquoi y résister, à l’intérieur de la balle ! Il se dégage de tout cela une énergie pop plutôt communicative qui nous amènerait presque à la fébrilité qu’avait su provoquer récemment The First Slam Dunk. Malgré toute cette bonne volonté, Luca Guadagnino ne parvient toutefois pas à faire oublier qu’il est un styliste, un cinéaste de haute couture faisant de magnifiques robes portées par des personnages anorexiques.

Tashi Duncan (Zendaya), une tenniswoman dans le vent.

Du triangle amoureux de Challengers ne se dégage aucune tension, sexuelle ou autre. Le film est un peu sexy mais certainement pas sulfureux et peut-être n’a-t-il même pas l’intention de l’être. Entre les frénétiques matchs ou entraînements de tennis, il n’y a que des séquences domestiques que la mise en scène peine cette fois à rendre intéressante. Ironiquement, les personnages se demandent à plusieurs occasions s’ils parlent bel et bien de tennis et non de leurs passions enfouies ; aucun doute que le film, lui, ne parle bien que de tennis. Et les charmants acteurs n’ont alors plus grand chose d’intéressant à jouer. La faute aussi à ce curieux choix de récit non chronologique : outre les allers-retours au match final encadre le récit et dont les différents sets remportés marquent le tempo, on mélange aussi les périodes des treize années de la vie du trouple. Le film en devient confus et dilue ses enjeux. Si bien qu’à cette finale de New Rochelle, on se demande bien ce que ces trois personnages ont véritablement à perdre, à part peut-être Art (le brillant Mike Faist qui eût fait un bien meilleur Bob Dylan que Timothée Chalamet) qui voudrait finir sur un dernier titre de Grand Chelem. Donc bon, Challengers est toujours plus dynamique qu’un match de grand tournoi, mais ça se regarde avec la même torpeur…

BASTIEN MARIE


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