Le Jour des fous

Slaughter High Film d’horreur britannique (1985) de George Dugdale, Mark Ezra et Peter Mackenzie Litten, avec Caroline Munro, Simon Scuddamore, Carmine Iannaccone, Donna Yeager, Gary Martin et Billy Hartman – 1h30

Souffre-douleur du lycée, Marty est victime d’un cruel poisson d’avril de ses camarades qui le laisse défiguré. Quelques années plus tard, il se venge de ses bourreaux en les rassemblant dans leur établissement désaffecté à la faveur d’une réunion d’anciens élèves bidon pour les trucider un à un…

Producteur spécialisé dans le cinéma bis, Dick Randall n’a évidemment pas laisser passer, dans les années 80, la vague florissante du slasher. Il se lance dans le genre en 1982 avec Le Sadique à la tronçonneuse (dont on laisse Nanarland vous donner un avant-goût : https://www.nanarland.com/chroniques/nanars-monstrueux/slasher/le-sadique-a-la-tronconneuse.html) suivi deux ans de plus tard de Don’t Open Till Christmas, qu’il reconnaît lui-même comme raté à l’exception de ses effets spéciaux. Ca tombe bien, ce sont justement trois gars de l’équipe desdits effets spéciaux – Mark Ezra, Peter Mackenzie Litten et George Dugdale, ce dernier étant le futur mari de Caroline Munro (le veinard !) – qui le convainquent qu’ils peuvent faire beaucoup mieux. Randall les croit, assez pour leur filer 100 000 $ de budget et à peine un mois de production. C’est ainsi que naît April Fool’s Day. Merde, ce titre est déjà déposé par Paramount ! Ce sera Slaughter High alors. Mais pourquoi Le Jour des fous en français, me demandez-vous. Parce que le film se passe le 1er avril, date surnommée « fool’s day » en anglais et qui, ainsi traduit littéralement en français, a le mérite de n’évoquer absolument rien ! Autre particularité de ce fool’s day (ça sonne mieux que poisson d’avril, je vous l’accorde), au Royaume-Uni les farces traditionnelles sont apparemment circonscrites à la matinée. Le film étant britannique, ses créateurs ont décidé d’inclure cette caractéristique au scénario, laissant ses personnages naïvement penser que le tueur, bon joueur, arrêtera miraculeusement de chercher à les tuer passé midi ! Manque de bol, cette règle horaire ne s’applique qu’au Royaume-Uni, le reste du monde devant trouver plus absurde encore ce mince espoir de survie des victimes.

Le pauvre Marty (Simon Scuddamore) se laisse séduire par la belle Carol (Caroline Munro), sa camarade de 35 ans qui a dû beaucoup redoubler.

Mais revenons à 1985 et à la genèse du Jour des fous. Dick Randall – qui fait un caméo dans le rôle d’un producteur proposant au personnage de Caroline Munro un rôle dénudé dans un film olé-olé, scène d’autant plus savoureuse à l’ère post-Weinstein – Randall donc est évidemment un producteur économe et exige, pour rester dans le budget, que le film se tourne entièrement en Angleterre bien que l’action se déroule aux States. Les acteurs, tous inconnus à l’exception de Munro qui joue une lycéenne à l’âge de 35 ans, doivent également être britanniques et prendre, avec plus ou moins de réussite, l’accent américain. Ce point sera fréquemment moqué par les spectateurs du film, en particulier l’accent, jugé exagéré, de Donna Yeager – manque de bol, cette actrice-là est vraiment américaine, une texane expatriée à Londres ! Le tournage aura lieu dans une véritable école désaffectée promise à la destruction, ce qui autorise l’équipe d’y faire tous les dégâts qu’ils veulent. C’est ainsi qu’un jour où ils tournent une explosion, les réalisateurs sont étonnés de voir débarquer de nulle part, alertés par le fracas, des hommes de la CIA se trouvant dans le coin pour préparer une visite du président Reagan ! Ce récit rocambolesque se termine cependant sur une note tragique : juste après le tournage et avant même que le film ne sorte, Simon Scuddamore, qui joue le tueur martyrisé Marty, se donne la mort par overdose médicamenteuse à l’âge de 28 ans. Bouleversés et inquiets, les réalisateurs se demandent si son rôle à eu une influence sur son suicide. A l’enterrement, la mère de l’acteur les rassure en leur expliquant qu’il était depuis longtemps dépressif et que le tournage du film fut pour lui une ultime source de joie…

Après avoir pris connaissance de ce drame, difficile de considérer Le Jour des morts comme un nanar, mais je vous rassure, même si la filmographie de Dick Randall en compte une palanqué, celui-ci n’en est pas un. Non, il s’agit d’un honnête slasher comme l’époque en comte tant, dont l’aspect désuet et bricolé prêtent évidemment à rire mais n’est-ce pas aussi un bon moyen de passer du bon temps devant un film ? Pour le défendre, on s’empressera de dire que le film respecte les codes du genre, ici plus rudimentaires qu’efficaces, mais pour être honnête, on mentionnera aussi tout le reste – au risque de le spoiler, mais on tâchera de vous avertir le moment venu. Le Jour des fous commence sur les rituels accords stridents d’un synthé puis sur un plan d’ouverture sur la plaque nominative du bahut qui, manque de bol, se trouve mal synchronisé avec le moment où le synthé laisse place à une chanson rock – une coupe approximative augurant de la modestie à l’œuvre. On découvre la belle Caroline Munro en ravissante lycéenne de 35 ans attirant dans sa toile, ou plutôt dans les carreaux de sa chemise offrant un beau décolleté, sa victime Marty. Toute la bande rapplique alors pour humilier Marty bien comme il faut juste avant le cours suivant (d’EPS pour les bullys, de chimie pour le geek, forcément), puis c’est la blague de trop, celle qui projette de l’acide corrosif sur le visage du pauvre Marty et fout le feu à son laboratoire ! Fin de l’époque bénie du lycée, où le minuscule budget se ressent dans l’absence criante de figurants. Des années plus tard, tout ce sale petit monde se rend à la fausse réunion d’anciens élèves. Les anciens bourreaux sont surpris de voir qu’ils sont les seuls invités mais, ma foi, ils ne vont pas se laisser abattre, entrent volontiers dans leur ancien lycée abandonné et entendent bien profiter de cette étrange soirée sans se douter une seule seconde qu’elle ait pu être organisée par le jeune homme qu’ils ont défiguré quelques années plus tôt.

Quelques années plus tard, ça rigole moins : Carol doit se cacher du Marty devenu psychopathe. Mais comme il est bientôt midi, ça devrait aller…

Naïveté effarante des personnages : check (et re-check plus tard avec cette histoire du poisson d’avril s’interrompant à midi). Premières apparitions dans l’ombre du tueur masqué (ici, un masque de joker à grelots) : check. Les meurtres peuvent commencer et notons ici la mention macgyver de ceux-ci. Solution chimique transvasée dans une cannette de bière faisant gonfler les entrailles de celui qui la boit, acide versé dans les canalisations (par chance, une victime ressent le besoin irrépressible de prendre un bain), fenêtres et portes sous tension électrique pour se prémunir des évasions, lit électrifié pendant le coït : le petit Marty est indéniablement ingénieux. Comme à l’accoutumé, les proies abandonnent bientôt l’idée de rester groupés car c’est bien mieux de se faire tranquillement trucider chacun dans son coin. Pendant ce temps, Marty se cache derrière le moindre recoin que lui offre le décor : dès que vous devinez où il peut être caché, il en surgit immanquablement. On parle, on parle, mais pendant ce temps-là /attention, spoiler/ Caroline se retrouve déjà être la dernière survivante, à midi moins le quart. Alors là, elle court, elle court, elle court – pendant un quart d’heure parce que les réalisateurs se sont aperçus que sans ça, le film ne durerait qu’1h10 – puis Marty, répétant l’histoire à son avantage, finit par la prendre dans un coin et la pénétrer, mais avec un javelot. Quoi, ils ont tué Caroline Munro ?! Et ben qu’en fait que non, parce qu’il y a un twist : tout s’est passé dans l’imagination de Marty, alité à l’hôpital, guérissant de ses brûlures en même temps qu’il ourdit sa vengeance. Moralement, c’est plus pratique comme ça, ni les bullys ni le souffre-douleur n’a le dernier mot. On fige sur le gros plan de Marty arrachant sa fausse peau calcinée, on ramène le synthé et on balance le générique de fin. Rallumage des lumières, c’était cool, non ?

BASTIEN MARIE

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