
Drame britannique, américain (2022) de Sam Mendes, avec Olivia Colman, Michael Ward, Tom Brooke, Toby Jones et Colin Firth – 1h55
Dans une ville balnéaire anglaise au début des années 1980, Stephen est engagé dans le cinéma Empire où il entame une romance avec Hilary, l’adjointe de direction plus âgée que lui…
Ces derniers temps, nombreux sont les cinéastes qui ont craint la fermeture des salles et ont livré leur déclaration d’amour au cinéma. Sam Mendes est l’un d’eux avec cet Empire of Light. Travaillant moi-même dans un cinéma, je me félicitais de voir un réalisateur faire un film justement sur les employés d’un cinéma, car on compte pléthore de films sur des gens en train d’en faire, mais beaucoup moins sur ceux qui les projettent. Ainsi, Mendes s’est dégotté un cinéma désaffecté dans la ville balnéaire de Margate et y a posé ses caméras pour y raconter son histoire. Si le film se passe dans les années 1980, Mendes, alors âgé d’une quinzaine d’années, n’y raconte pas sa propre jeunesse, mais son héroïne, jouée par Olivia Colman, est très inspiré de sa propre mère, souffrant de troubles bipolaires. Et on sent déjà là le sujet divaguer…
En effet, je m’étais excité pour rien, car Empire of Light n’est pas vraiment un film sur le cinéma. Très vite, il dévie de ce qui devrait être son sujet pour raconter – mal – une myriade d’autres histoires. Le cinéma passe ainsi au second plan de la romance unissant Hilary, harcelée sexuellement par son patron et victime de troubles mentaux, et Stephen, homme noir beaucoup plus jeune qu’elle menacé par le racisme des premières années de l’Angleterre de Thatcher. Et je ne vous parle pas du projectionniste qui a l’air d’être le brave gars joué par Toby Jones mais dont on apprend, le temps d’une courte scène dispensable, qu’il est un père en fuite… Autant de petites histoires aussi déprimantes qu’inabouties, pour lesquelles le cinéma ne représente même pas une consolation : Hilary confesse ne jamais voir de films, et la moitié du bâtiment est laissé à l’abandon. Les personnages pourraient presque travailler dans un autre secteur d’activité que ça ne changerait pas grand-chose à leur parcours, et le scénario, que Sam Mendes écrit pour la première fois seul, s’éparpille dans tellement de sujets qu’il n’en développe réellement aucun.

C’est alors à Roger Deakins de sauver une nouvelle fois les meubles avec sa magnifique photographie numérique d’un film faisant par ailleurs l’éloge de la projection en pellicule – nous ne sommes plus à une contradiction près. Les décors sont aussi magnifiques avec ce cinéma trop gigantesque pour être vrai (et pourtant), un véritable temple ayant peu d’équivalents aujourd’hui mais représentant un empire sur le déclin, son immense hall étant la plupart du temps quasiment vide. L’amertume l’emporterait donc largement sur la douceur dans ce soi-disant éloge au cinéma si Empire of Light n’était pas aussi beau à regarder. La splendeur de sa lumière et de ses décors souligne encore plus la vacuité de son récit et de ses personnages, plongeant le film dans une irréalité presque onirique ; pas sûr qu’elle ait été intentionnellement recherchée par Mendes mais elle donne au moins au film une atmosphère éthérée qui le sauve. Ainsi, si j’ai l’impression d’oublier déjà les employés de ce cinéma, je pense en revanche que je vais souvent visiter en rêve cet empire de lumière…
BASTIEN MARIE
Autre film de Sam Mendes sur le Super Marie Blog : 1917 (2019)