Mon crime

Comédie policière française (2023) de François Ozon, avec Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, Dany Boon, André Dussolier, Edouard Sulpice, Olivier Broche, Félix Lefebvre, Franck de la Personne, Michel Fau, Régis Laspalès, Daniel Prévost, Myriam Boyer et Jean-Christophe Bouvet – 1h42

A Paris dans les années 1930, Madeleine Verdier, actrice désargentée, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Avec l’aide de son amie Pauline, avocate sans client, elle est acquittée pour légitime défense. S’ensuit gloire et succès, en attendant que la vérité éclate au grand jour…

Je suivais assidûment la carrière de François Ozon mais celui-ci s’étant fixé un rythme d’un film par an, j’avoue avoir sauté ses deux derniers. J’ai soigneusement esquivé Tout s’est bien passé (2021) de peur que tout se passe mal pour moi qui n’aime pas trop Sophie Marceau, et j’ai loupé à regret Peter von Kant (2022), craignant que ma méconnaissance du travail de Rainer Werner Fassbinder me fasse passer à côté du film (et puis je n’aime pas trop Adjani non plus). Avec Mon crime et son imposant casting, le réalisateur semble toutefois revenir à un cinéma plus populaire, puisant sa source dans une pièce de boulevard de l’entre-deux guerres. Le film a même été présenté comme le troisième volet d’une trilogie informelle, liée par le film d’époque et des personnages féminins forts, qu’il formerait avec deux autres succès de la carrière d’Ozon, 8 Femmes (2002) et Potiche (2010) – et tant pis pour Angel (2007) qui a le tort d’être anglophone et oublié. Approchant le million d’entrées en trois semaines d’exploitation, Mon crime semble être à la hauteur de ses aînés ; je l’ai vu pour ma part dans une salle pleine.

Adaptant une pièce désuète dans un style que n’aurait pas renié un Alain Resnais dernière période, Mon crime est un film plein de charme, s’installant dans un anachronisme confortable pour traiter avec dérision des préoccupations contemporaines. Une jeune actrice accusée du meurtre d’un producteur vicelard, voilà une histoire qui était racontée beaucoup plus à la légère dans les années 30 qu’en notre ère post Weinstein et #metoo. Mon crime est-il pour autant un film féministe, voilà une question épineuse quand on entend parfois Ozon être taxé de misogyne, en particulier depuis la présentation polémique de Jeune & jolie à Cannes. Etourdi par les nombreuses péripéties et le dialogue fourni du film, j’aurais du mal à établir avec conviction qu’il est féministe. Il est en tous cas joyeusement amoral pour sûr et, si ses héroïnes sont effectivement menteuses et manipulatrices, est-ce bien un crime dans une société patriarcale qui a tant d’occasions de vouloir parler à leur place (le flash-back dans lequel Nadia Tereszkiewicz a soudain la voix de Luchini est à ce titre éloquent) et où il faut négocier habilement pour ne pas froisser le pouvoir de chacun ?

Tous les regards sont tournés vers Pauline (Rebecca Marder) et Madeleine (Nadia Tereszkiewicz), c’est le début de la gloire.

Dans tous les cas, dans cette satire féroce où tous se disputent la maternité d’un crime plutôt qu’essayer de s’en disculper, Ozon retrouve effectivement la griffe de 8 Femmes pour accentuer la théâtralité de son sujet et s’émerveiller du charme rétro de ses décors créés par Jean Rabasse et généreusement éclairés par Manuel Dacosse – même si parfois le recours à un fond vert un peu trop ostensible laisse soupçonner une production expéditive. L’autre qualité de Mon crime est son casting fédérateur, mêlant différentes familles d’acteurs dans un même élan énergique, dans un même cabotinage gourmand. On en oublierait presque notre allergie à Dany Boon grâce à son accent à la Pagnol ! Il faut bien avouer toutefois que cet abattage fatigue à la longue, quand par exemple arrive tardivement une Isabelle Huppert over the top réclamant aussi sa part de gâteau. Ozon a donc la main lourde et n’a pas toujours le sens du rythme que requiert la screwball comedy visée. Ainsi, la salle pleine dans laquelle j’ai vu le film ne riait pas autant de fois qu’elle l’aurait dû. Pour autant, la tentative reste belle et la rater serait un crime…

BASTIEN MARIE

Autres films de François Ozon sur le Super Marie Blog : Angel (2007) ; L’Amant double (2017) ; Grâce à Dieu (2019) ; Été 85 (2020)

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