
Film d’horreur américain (2023) de M.Night Shyamalan, avec Dave Bautista, Jonathan Groff, Ben Aldridge, Kristen Cui, Nikki Amuka-Bird, Abby Quinn et Rupert Grint – 1h45
Alors qu’elle passe des vacances isolée dans une petite maison au milieu des bois, une famille reçoit la visite de quatre inconnus armés qui les séquestrent pour leur proposer un choix cornélien dont les conséquences seront d’une démesure grotesque : si les deux papas et leur fillette refusent de sacrifier l’un des leurs, c’est l’humanité toute entière qui devra faire face à l’Apocalypse…
Attention, cet article ne prendra que peu de pincettes avec la divulgâche…
Cela dit, si vous avez lu ce synopsis, vous connaissez déjà la quasi-totalité de ce Knock at the Cabin, nouvel opus de M.Night Shyamalan qui n’en finit pas de revenir par la petite porte, assumant ici presque plus que jamais sa nouvelle mue cinématographique : le « wannabe Spielberg » se cantonnant désormais à son titre de premier « Master of horror » des années 2000. Du coup, à la manière de son précédent Old, le cinéaste s’en tient à son high-concept (ici même pas si « high » !), certains diront paresseusement, pour mieux se concentrer sur cette chose qui faisait un temps la gloire des grands réalisateurs et qui ne semble aujourd’hui souvent réduite qu’à la longueur d’un plan séquence : la mise en scène.
Partant du livre The Cabin at the End of the World, que Shyamalan réadapte avec son auteur Paul G.Tremblay, et apparemment plutôt pour le délester de quelques surprises pour un résultat plus convenu, Knock at the Cabin a effectivement des allures de première série B de festival venue. Et pourtant, de son magnifique générique (une constante Shyamalanesque) et son introduction en très très gros plan au Boogie Shoes de KC and the Sunshine Band en conclusion, le film sait se rendre largement attrayant et, malgré son programme de home invasion convenu comme rarement, je n’ai pas vu passer son heure quarante cinq. Pire, Shyamalan usant de sa caméra avec une telle maestria pour représenter ses enjeux pachydermiques que j’en suis même venu à me prendre à ce jeu pourtant bien balisé. Le cinéaste, à des twists devenus paradoxalement attendus, jouerait plutôt sur l’inéluctabilité de sa situation, le fin mot de l’histoire ne laissant finalement que peu de doutes… Quoique…

En effet, son récit pouvant rappeler Take Shelter, pour ceux qui préfèreraient la version psychologique et réaliste, mais surtout Emprise, réalisation trop méconnue de Bill Paxton s’aventurant dans le cinéma de genre, Knock at the Cabin pourrait être qualifié de film d’horreur de fanatiques. Un genre parfait pour faire vaciller les convictions et rendre les prédictions les plus énormes non seulement concevables dans le cadre de la fiction, mais même carrément plus acceptables que les explications les plus rationnelles. Ainsi, composé du croyant Eric et de l’athée Andrew, le couple du film se divise sous nos yeux, Eric étant tenté de croire ces sombres invités, voire carrément en prise à des visions tandis qu’Andrew, avocat quelque peu parano depuis une agression homophobe, tente de plaider la raison avec des arguments qui apparaissent vite comme plus grotesques encore que la prophétie annoncée. La question du jusqu’où iront nos personnages dans cette foi qui leur est imposée pouvant renvoyer à celle du jusqu’où un spectateur peut mettre de côté ses convictions sous couvert de fiction.
Pied de nez roublard de Shyamalan à la suspension d’incrédulité et à ses fameux twists (après un Old où le réalisateur semblait surtout faire du procédé un doigt tendu), Knock at the Cabin reprend donc les thématiques chères au cinéaste, la foi, la peur, surgissant via une homophobie qui existe surtout dans la tête d’une de ses victimes, mais aussi(si) la famille. Le film permet en outre à Dave Bautista, dans ce rôle d’oiseau de mauvaise augure bienveillant, de livrer une performance entre puissance physique d’ogre et sensibilité palpable qui, effectivement, suffit à en faire un catcheur/acteur autrement plus intéressant que l’autre grosse patate pour divertissement familial calibré. Bon, après, il est toujours permis de trouver que le programme est bien trop mince et que 20M de dollars, ça fait un peu cher pour une série B certes maline mais où le prêcheur Shyamalan, aussi bienveillant que son cavalier blanc, est resté peut-être trop petit bras pour faire vraiment mouche. Perso, Knock at the Cabin ne trouvera certainement pas sa place au panthéon des grands Shyamalan (ceux du tournant des années 2000), n’empêche qu’il m’a fait passer un bon moment et, même si cela ne devait en révéler aucune subtilité cachée, je m’y replongerai à l’occasion avec plaisir…
CLÉMENT MARIE