Reprise en main

Comédie sociale (2022) de Gilles Perret, avec Pierre Deladonchamps, Laetitia Dosch, Gregory Montel, Finnegan Oldfield, Vincent Deniard, Rufus – 1h45

Ouvrier investi dans son usine de décolletage, Cédric apprend que celle-ci va être reprise par un fond d’investissement particulièrement vorace. Avec l’aide de ses amis, le banquier Alain, l’ingénieur Denis et le jeune loup de la finance Frédéric, il décide de monter son propre fond afin de reprendre l’entreprise et sauver les emplois de ses collègues. Julie, cadre de l’usine, se joint à son tour à cette association de bienfaiteurs…

A peine un an après Debout les femmes !, co-réalisé avec François Ruffin, Gilles Perret est déjà de retour seul derrière la caméra cette fois-ci et, pour la première fois, aux commandes d’une fiction. Dès son vertigineux plan d’introduction, le cinéaste ne cache d’ailleurs pas son envie d’en profiter pour mettre en boite des images autrement plus léchées que ce qu’il pouvait se permettre dans ses documentaires. La fiction lui permet également de se confronter à la direction d’acteurs, et non des moindres puisqu’il réunit ici un casting de premier choix qui ne manque pas d’insuffler de la vie à un scénario qui pêche peut-être par excès de didactisme. Il faut dire que, le réalisateur de Ma mondialisation ne se refait pas, le coup monté par ses héros est aussi prétexte à montrer les effets d’une libéralisation débridée sur notre industrie et à décrire les montages financiers toxiques (les fameux LBO…) qui s’organisent autour d’elle, sujets que Gilles Perret ne pouvait évidemment que présenter de façon documentée.

Mais plus qu’au sérieux papal d’un Stéphane Brizé ou d’un Laurent Cantet, Reprise en main revendique davantage l’influence d’un cinéma social britannique plus lumineux. Ainsi, on pense aux Virtuoses, notamment pour le personnage de Laetitia Dosch, évoquant celui de Tara Fitzgerald, mais aussi au savoureux crime sans victime pensé par Ken Loach et son scénariste Paul Laverty pour La Part des anges. Plongeant dans des eaux plus légales que morales, nos pieds nickelés devront faire face à des requins de la finance qui, même si une partie de la critique juge le film trop manichéens, sont juste représentés comme les rouages d’une machine qui, de nature, ne place pas le facteur humain, et encore moins celui environnemental, en tête de ses priorités…

D’environnement, il en est aussi question ici et si les scènes d’escalades offrent au récit une respiration inattendue, et permettent de faire passer un ouvrier face à un financier en premier de cordée, elles révèlent un attachement tout particulier à ce territoire. Et oui, car si certains n’y verront qu’un tract politique, Reprise en main est surtout un film très personnel, prenant place dans la Haute-Savoie natale de Gilles Perret, le cinéaste ayant même travaillé dans l’usine où s’est tourné le film. Non, le réalisateur de La sociale et des Jours heureux (pour une autocitation murale que n’aurait pas reniée un Gaspar Noé…) ne se refait décidemment pas et la présence émouvante de Rufus en syndicaliste retraité témoigne d’un même attachement aux anciens et à leurs combats. Emprunt de nostalgie mais sans s’y complaire, Gilles Perret préfère imaginer dans la joie et la bonne humeur de nouvelles formes de lutte même si le dernier plan peut s’avérer aussi vertigineux que celui d’introduction, nous laissant dans l’espérance que notre héros maîtrisera tout autant son équilibre et son sang froid dans ce nouvel environnement…

CLÉMENT MARIE

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