Moonfall

Film catastrophe américain, chinois, britannique, canadien (2022) de Roland Emmerich, avec Halle Berry, Patrick Wilson, John Bradley, Charlie Plummer, Kelly Yu, Michael Peña et Donald Sutherland – 2h10

C’est la Lune, elle tombe !…

Spécialiste des films catastrophe et catastrophiques qui lui ont valu le surnom de « master of disaster » qui ne saurait effectivement mieux le décrire, Roland Emmerich forcerait aujourd’hui le respect par sa ténacité à faire financer ses films en indépendant, loin des studios hollywoodiens qui ne voudraient plus entendre parler de ses idées pour des destructions massives sans y lier des super-héros (ce qui a amené Emmerich à débiner publiquement Marvel ; vous voyez que c’est un bon gars !). Ainsi, après avoir réuni 95 millions de dollars pour Midway (2019), son Pearl Harbour à lui, il en a cette fois amassé près de 140 millions pour financer sa lubie de voir la Lune tomber, une idée fixe qu’il traîne depuis 2016 et qu’il a réussi à développer auprès de spécialistes de la NASA complaisants. Ce qu’il a surtout pris sur la tronche, c’est la Covid qui a réduit son tournage à 61 petits jours et qui va ruiner ses chances déjà peu élevées au box-office. Mais ce qui m’a amené à une projection de Moonfall, ce n’est pas seulement mon attendrissement pour l’obstiné Emmerich mais surtout l’espoir de voir dans la débilité de son apocalypse une forte catharsis à même d’atténuer l’angoisse laissée par le grinçant Don’t Look Up. Malheureusement, ça n’a pas été le cas…

Il me semble tout de même que Moonfall est moins pire qu’Independence Day : Resurgence (2016)… mais comme je n’ai presque plus aucun souvenir de ce dernier, je ne peux le confirmer avec certitude. La conception d’un blockbuster n’ayant pas bougé dans l’esprit de Roland Emmerich depuis les années 90, le film en devient affreusement daté. Entre deux versions low-cost d’autres succès de SF récents (l’ouverture pompe Gravity et le dernier acte Interstellar), il nous dresse un digest des habitudes du réalisateur, tentant de retrouver son sens du money shot dans l’enchaînement, très rapide afin que le spectateur n’ait pas le temps de se demander ce qu’il fait là, de vignettes apocalyptiques. Celles-ci sont dotées d’effets spéciaux très inégaux, assez perfectionnés pour ne pas paraître risibles (à part peut-être quand les acteurs tentent de simuler la faible gravité) mais pas assez pour impressionner. S’il n’a pas cette fois de chien à sauver du chaos, Emmerich peine toujours à nous intéresser à ses enjeux primaires, notamment avec sa smala de seconds rôles restés sur Terre pendant que leurs proches vont percer le secret de la Lune ; leurs mésaventures avec des pillards ou leur recherche désespérée d’un abris ressemble à un téléfilm catastrophe du samedi après-midi.

L’astronaute Brian Harper (Patrick Wilson) piégé dans une contrefaçon de Gravity.

Mais là où Moonfall prend le plus gros coup de vieux, c’est avec l’un de ses trois personnages principaux : entre la cadre de la NASA bombardée cheffe de la cellule de crise (Halle Berry se demande elle aussi ce qu’elle fait là) et l’astronaute renégat assez fou pour accomplir la mission du désespoir (Patrick Wilson, trop lisse pour ce genre de rôle), il y a aussi le jeune geek conspirationniste, américain très moyen puisqu’un peu enrobé qui se trouvait avoir raison depuis le début (John Bradley remplace, dieu merci, l’impiffrable Josh Gad dans ce rôle déjà bien assez ingrat). Vivant seul avec son chat Fuzz Aldrin et son admiration pour Elon Musk dans un appartement tapissé de coupures de presse sur les petits hommes verts, ce KC aussi irritable que son colon laisse perdurer des stéréotypes geeks qu’on croyait disparus tandis que son conspirationnisme, s’il pouvait encore prêter à sourire à l’époque de 2012, est aujourd’hui bien plus concret et inquiétant. Ca reste parfois rigolo quand la conspiration revêt le visage de savant fou de Donald Sutherland, mais ça l’est beaucoup moins quand KC est conseillé par sa mère atteinte d’Alzheimer de forcer les gens à l’écouter : une scène sinistre qui semble tout droit sortie d’une origin story de méchant de comic-book ! Heureusement, Moonfall laisse un peu de marge à une vision au 26ème degré et Roland Emmerich serait le premier à nous prier de ne pas prendre son film trop au sérieux. Il n’empêche que, à la sortie de ce destruction porn décérébré attendu, on frissonne légèrement à l’idée d’avoir entrevu la fin du monde dans le regard dément d’un « héros » conspirationniste voyant sa théorie fumeuse se vérifier avec fracas…

BASTIEN MARIE

Autre film de Roland Emmerich sur le Super Marie Blog : Moon 44 (1990)

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