Road House

Film d’action américain (1989) de Rowdy Herrington, avec Patrick Swayze, Kelly Lynch, Ben Gazzara et Sam Elliott – 1h54

Videur réputé diplômé de philosophie, Dalton est embauché pour s’occuper du Double Deuce dans une petite ville du Missouri. Grâce à lui, le bar redevient fréquentable mais il attise bientôt l’hostilité de Brad Wesley, un magnat local…

« The dancing’s over. Now it gets dirty. » proclamait fièrement l’affiche de Road House (ou Bar routier en québécois), production Joel Silver entendant profiter de la soudaine célébrité de Patrick Swayze après le carton surprise de Dirty Dancing. Le producteur de Predator voulait ainsi transformer l’ex-danseur, nouveau sex-symbol de ces dames – il avait même une garde rapprochée sur le tournage pour repousser les assauts de fans féminines perturbant régulièrement la production – en nouvelle action star qu’il souhaitait reconduire sur Predator 2 et Tango & Cash. Malheureusement, le genou fragile de Swayze, l’obligeant à se shooter aux antidouleurs pour assurer ses cascades lui-même, l’obligera à préférer à ces films d’action un Ghost beaucoup plus pépère – et qui s’avérera être un nouveau succès inattendu au box-office. Réalisé par le tâcheron Rowdy Herrington, Road House dispose toutefois d’une dream team du cinéma d’action de l’époque : Michael Kamen à la musique, Dean Cundey (Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin) à la photo, Frank J. Urioste (Die Hard, Robocop) au montage et Benny « The Jet » Urquidez à la chorégraphie des combats. Face à Swayze, Ben Gazzara vient visiblement cachetonner dans le rôle du méchant magnat local, Sam Elliott se laisse convaincre de jouer le mentor du héros dans un rôle qui est de son aveu celui dont on lui a le plus parlé de sa carrière, et Kelly Lynch joue la girlfriend – depuis, l’actrice raconte que Bill Murray appelle son mari à chaque diffusion du film pour lui raconter la chaude scène de sexe que sa femme partage avec Patrick Swayze. A sa sortie, Road House est un échec, immédiatement moqué pour son kitch, recevant cinq nominations aux Razzie Awards. Un kitch qui le rendra cependant culte pour sa communauté de fans, permettant au film de se refaire en vidéo et à la télévision, le mari de Kelly Lynch recevant ainsi beaucoup d’appels de Bill Murray…

Du coup, même les fans inconditionnels de Road House ne sont pas dupes de la gentille ringardise de ce film d’action du crépuscule des années 80, saturant le style de cette décennie bénie comme pour signifier qu’il est quand même temps de passer à autre chose. Surtout, le film est un éloge de Patrick Swayze se confondant avec son personnage Dalton (ainsi nommé en hommage à une ville de Géorgie dont les videurs de bar avaient fait forte impression au scénariste R. Lance Hill), action hero assez unique en son genre auquel la star appose son attitude zen, sa sagesse irradiante. Car le petit plus de Dalton est d’être diplômé de philosophie et, comme il est aussi le meilleur videur des Etats-Unis, on s’attend toujours à ce qu’il cite du Platon entre deux pétages de gueule. Par ailleurs, Swayze porte le mulet comme personne et, comme toujours d’une forme athlétique, ne perd jamais une occasion de montrer son corps d’apollon lors de ses entraînements matinaux au bord de la rivière avant de le compresser dans un t-shirt et jean moulants au boulot, tel que l’exige sa position de cooler. Et oui, car le videur n’est pas cet être primitif qu’on imagine souvent, il doit se plier à une hiérarchie, un ordre social et respecter des commandements remontant à Socrate. Ainsi, Dalton n’est pas qu’un ordinaire « bouncer », il est un « cooler », celui qui détermine et éduque son équipe, qui supervise, de son inflexible regard surplombant la masse, l’impitoyable monde de la nuit et qui est dans le contrôle absolu de soi et de son environnement.

Dalton (Patrick Swayze) règne en maître sur son bar. Tant qu’il garde les bras croisés, c’est que tout se passe bien…

C’est tout ce qu’on apprend dans la première moitié, fascinante, de Road House, plongée unique dans le monde des videurs, profession sacerdotale au milieu des bagarres et de la vulgarité des piliers de comptoir. Ainsi, la première moitié du film se partage entre bastons de bar homériques et sauvages et sages enseignements délivrés par Swayze avec un sérieux imperturbable, inimitable. Une première moitié de métrage hautement divertissante, laissant opérer sa magie camp auprès du spectateur amusé, porté par un Patrick Swayze, rappelons-le, en état de grâce, au sommet de son charisme bien à lui, en parfait équilibre perturbant entre classe américaine et ringardise finie. Son jeu d’acteur est tout aussi ambivalent et incertain, mais ce qui est sûr, c’est qu’en tant qu’ex-danseur, il bouge bien, lève la jambe comme un vrai kickboxeur, faisant de lui une action star toute désignée. Mais au bout d’une demi-heure, une fois que Dalton a transformé le Double Deuce de rade à rednecks à bar à néons hype, le philtre d’amour s’évapore et Road House devient un simili-western beaucoup plus attendu avec son héros solitaire venant défier le big boss du coin. Ne reste plus que la présence de Sam Elliott, déjà fidèle à lui-même, pour maintenir l’intérêt tandis que, dans le plus pur style Silver, on fait péter une station-service ou saccager un garage au monster truck pour assouvir les besoins de destruction du fan de film d’action. Mais c’est surtout Dalton qui trahit ses principes en succombant à une rage meurtrière qui ne lui ressemble pas. Cela dit, on ne s’attendait pas à ce que Road House soit un film parfait, il reste un beau souvenir de vidéoclub, c’est déjà pas mal…

BASTIEN MARIE

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