Over the Top – le bras de fer

Over the Top Road movie américain (1987) de Menahem Golan, avec Sylvester Stallone, David Mendenhall, Robert Loggia, Susan Blakely et Rick Zumwalt – 1h33

Routier solitaire, Lincoln Hawk va chercher son fils qu’il n’a pas connu à son école militaire du Colorado pour le ramener chez sa mère en Californie, avant de reprendre sa route pour les championnats du monde de bras de fer à Las Vegas…

Au cœur des années 80, la Cannon de Menahem Golan et Yoran Globus, fameuse sous-marque de major hollywoodienne, est en plein âge d’or. Golan vient de réaliser Delta Force avec sa star maison Chuck Norris et est désormais prêt à passer à la vitesse supérieure. Pour rivaliser avec les superproductions contemporaines, il jette son dévolu sur un script original parlant de tournois de bras de fer signé David Engelbach ; ce dernier pleura à la découverte du film fini donc, qui sait, peut-être que son script ne parlait même pas de bras de fer à la base ! De toute façon, pour braquer le box-office, Golan estime que le sujet importe peu, c’est surtout le nom écrit le plus gros sur l’affiche qui rapporte beaucoup. Se gardant le flic de Miami Don Johnson comme plan B, le réalisateur se met donc en tête de choper Sylvester Stallone, lui aussi en pleine bourre : il vient d’enchaîner Rambo 2 et Rocky 4, sommets reaganiens de ses deux héros emblématiques, ainsi que Cobra, sorte d’Inspecteur Harry de la génération MTV. Pour ferrer la star, le nabab fait grimper les enchères sur le salaire promis. Dès que celui-ci atteignit un montant record et déraisonné de 12 millions de dollars, Stallone se laissa convaincre. Après avoir avoir réécrit le scénario avec Stirling Silliphant, scénariste oscarisé de Dans la chaleur de la nuit, l’acteur prit le magot en se disant que personne n’irait voir le film.

Over the Top coûta 30 millions de dollars, Stallone en bouffant donc presque la moitié, tandis que Rick Zumwalt, jouant son principal adversaire, touche lui 10 000 $ pour se raser la tête – les cahiers comptables de la Cannon, ça devait être quelque chose ! Menahem Golan a cependant eu une bonne idée pour économiser des coûts de production : à la minute où le projet a été validé, il a fait organiser un tournoi mondial de bras de fer indépendant. Ainsi, pendant la préparation du film, des tours de qualifications avaient lieu aux quatre coins du monde, puis au moment du tournage, l’équipe n’avait plus qu’à squatter l’événement au Hilton de Las Vegas, loué aux frais des organisateurs du tournoi, Stallone tournant ses scènes à la suite des vrais matchs devant une foule de spectateurs devenant autant de figurants bénévoles. Et ce n’est pas tout puisque le champion du tournoi gagnait un camion à l’effigie du film qu’il devait ensuite faire sillonner à travers l’Amérique pour faire la promotion d’Over the Top. Une ruse qui ne porta pas ses fruits : Over the Top remportera à peine la moitié de son budget au box-office américain, annonçant l’imminente faillite de la Cannon.

Sur le tournage, Sylvester Stallone et Menahem Golan se font un bras de fer qui coûte 12 patates quand même !

Pour être pris au sérieux, Menahem Golan se dit qu’Over the Top ne peut se contenter de n’être que sur le bras de fer et doit aussi parler de paternité et de reconquête de l’amour filial. Ainsi, Lincoln Hawk – on peut difficilement trouver nom plus ricain ! – arrive comme un intrus et se fait immédiatement remarquer, avec son blue jean et sa chemise sans manches, dans l’uniformité solennelle de l’école militaire où il va chercher son fils. Et tout aussi immédiatement, Sylvester Stallone en impose. Bien qu’Over the Top soit l’un des plus gros bides de sa carrière, il reste à mettre à l’honneur de l’acteur qui aurait pu se contenter de prendre l’oseille et se tirer. Mais non, il ne peut s’empêcher d’incarner un minimum ce père rédempteur, encaissant le cinglant dédain de son rejeton. Alors qu’honnêtement, le film n’en mérite pas tant, réduisant les tourments de ses protagonistes à peau de chagrin et réglant ses conflits père-fils en cinq minutes à la faveur d’une leçon de conduite de camion ou d’initiation aux rudiments du bras de fer. C’est surtout Golan qui ronge son frein en cette première moitié de métrage, laissant la star de Rocky gérer le développement de son personnage tandis qu’il multiplie ses panoramas d’Americana suintante avec son camion traversant les étendues désertiques au soleil couchant sur des morceaux à la Springsteen composés en deux-deux par Giorgio Moroder, et en égrenant quelques séquences mouvementées (un rapt raté, une intrusion au camion-bélier dans le beau domaine de papy Loggia en mode dark) pour rappeler qu’Over the Top reste un film d’action.

Lincoln Hawk (Sylvester Stallone) se prépare à sa finale dans les règles de l’art noble du bras de fer.

Puis Hawk arrive à Las Vegas et le film fait volte-face : aussi soudainement que son héros se transforme en champion de bras de fer en retournant sa casquette, Menahem Golan laisse libre cours à sa folie d’entertainer en débarquant dans la capitale du jeu. Le montage s’accélère et la caméra tournoie pour mimer l’effervescence de ces championnats du monde rassemblant non pas des nations mais des syndicats de camionneurs. L’humble Stallone serait presque réduit à de la figuration face à ses concurrents monstrueux et ultra déterminés, tous muscles huilés dehors ! On serait presque aussi excité que le réalisateur par le bras de fer (ou catch de table) si la discipline n’était pas si peu cinématographique : face au dénuement visuel de ces affrontements primaires, Golan n’a d’autres choix que de multiplier les gros plans sur les visages des concurrents au bord de l’anévrisme et nous faire deviner une futile botte secrète de Stallone quand il referme sa main sur celle de son adversaire. Déjà gamin, je considérais le dialogue pré-finale entre Hawk et son fiston – pourtant peu substantiel – comme une oasis au milieu de cet hilarant étalage de cultur(ism)e américaine. C’est dire à quel point tout éventuel plaisir ressenti face à Over the Top serait forcément coupable !

BASTIEN MARIE

Publicité

3 réflexions sur “Over the Top – le bras de fer

  1. Hello Bastien. J’ai vu ce film lors de sa sortie quand j’étais ado, dans ma petite ville de sous-préfecture de province ! Il était donc diffusé partout, ce qui fait que je peine à croire qu’il n’est pas rentré dans ses frais. Il a été exploité dans toute l’Europe comme un blockbuster, alors que c’était une série B gonflée au vide. Jamais revu, mais déjà à l’époque, je trouvai ce film totalement nul. À côté, « Delta Force » et « Cobra » sont des chefs-d’œuvre. Surtout « Cobra » d’ailleurs, pour lequel je conserve une tendresse coupable. Il est tellement emblématique de la période qu’il en constitue presque un documentaire ! (Justification intello et a posteriori à peine voilée !!!)
    Youri Cobretti.

    J’aime

    1. Salut, Youri ! Oui, en France, il a cartonné, plus de 2 millions d’entrées je crois. Donc à l’international, le film a dû se refaire mais comme souvent avec Cannon, ce bon vieux Menahem Golan avait mis dans ce film plus de pognon qu’il n’en méritait ! Quant à Cobra, ça fait des siècles que je ne l’ai pas revu (mais a priori, je l’adore aussi). C’est plus raccord avec le Stallone contemporain alors qu’Over the Top, ça rend hommage à Rocky et à l’idée d’un américain à l’ancienne. J’ai beaucoup de tendresse pour ce bon vieux Lincoln Hawk… A bientôt au cinéma, enfin !

      J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s