Angel

Drame britannique, français, belge (2007) de François Ozon, avec Romola Garai, Lucy Russell, Michael Fassbender, Sam Neill et Charlotte Rampling – 1h53

En Angleterre en 1905, Angel Deverell, jeune femme modeste de Norley, devient une écrivaine à succès grâce à une série de romans à l’eau de rose, lui permettant d’acheter le manoir Paradise qui la faisait tant rêver quand elle était petite…

Pour son premier film en langue anglaise, François Ozon adapte un roman d’Elizabeth Taylor, non pas la star hollywoodienne mais bien une écrivaine anglaise peu connue chez nous ; Angel fut d’ailleurs le premier de ses romans traduit et publié en France quinze ans après sa disparition. Cette histoire de fulgurante ascension d’une écrivaine à succès au début du XXème siècle est inspirée de la vie d’une véritable autrice, Marie Corelli, très populaire en son temps, comptant même la Reine Victoria parmi ses fans, et depuis tombée dans l’oubli. Son Angel, Ozon la confie à l’actrice Romola Garai, qui avait joué dans Dirty Dancing 2 et la BFF de Scarlett Johansson dans Scoop de Woody Allen, et qui avait montré à l’audition la même témérité que l’héroïne. Face à elle, le casting compte Michael Fassbender à la veille de sa révélation dans Hunger, Sam Neill, et Charlotte Rampling, fidèle d’Ozon venue lui filer un coup de main sur son premier tournage dans la langue de Shakespeare. Passé par le festival de Berlin, Angel est sorti discrètement en salles (environ 160 000 entrées) et aujourd’hui un peu oublié dans la carrière du prolifique Ozon.

Angel porte la signature de François Ozon dès son générique et ses lettres rose pétant : peu effrayé par l’emphase, le réalisateur l’est encore moins dans le cadre d’un mélodrame victorien et assume complètement les émotions exacerbées de son bonbon acide. Il jouit de sa reconstitution fastueuse et prend le même plaisir que son héroïne à franchir le portail de Paradise. Lors de séquences de voyages à Paris, Venise ou en Egypte, il use de plans en transparence dont il souligne volontiers l’artificialité, et filmer un baiser sur fond d’arc-en-ciel ne lui pose aucun problème. Souvent au bord du kitch ou du cliché (le studio bohème du peintre joué par Fassbender), Angel semble en fait tout droit sorti de l’imagination fertile de son héroïne, qu’Ozon et son actrice, bien accordée à la vision de son metteur en scène, ont en plus l’audace de ne pas vouloir rendre forcément attachante, et à laquelle on reproche, à l’approche de la Première Guerre mondiale, une déconnexion avec le réel. On pourrait cependant critiquer le film de la même façon : les codes ostentatoires du mélo ont tendance à survoler la classique trame de rise-and-fall aux enjeux amoindris. Angel draine des thématiques passionnantes – revanche sociale, ambition coûteuse, fiction dévorante, légitimité artistique, postérité cruelle – mais qui restent superficielles au long d’un récit un peu trop linéaire, malgré un fort beau dénouement ramenant in extremis du mystère à l’ensemble. Bref, on s’ennuie.

L’écrivaine à succès Angel (Romola Garai) contemplée par le peintre désargenté Esmé (Michael Fassbender) : ça sent le mariage intéressé cette histoire…

La principale influence d’Ozon sur ce film est évidemment Douglas Sirk, or évoquer le maître du mélo me semble être aujourd’hui dangereusement ambivalent (ce n’est pas pour rien si Loin du paradis de Todd Haynes est en cela un film quasi miraculeux !). Je connais bien des admirateurs de Sirk qui, quand ils témoignent de leur amour pour le cinéaste, se sentent aussi le besoin de préciser qu’ils ne sont pas dupes de l’aspect bigger than life de ses films. Dès lors, l’univers de Sirk impose aujourd’hui un double regard, à la fois transi et devant se rappeler à la lucidité (il n’y a d’ailleurs aucun mal à cela : à mon sens, on peut l’étendre à quasiment tout le cinéma hollywoodien de l’âge d’or des 50’s). Et c’est ce double regard qui manque à Angel, à quelques exceptions près (les transparences susmentionnées). D’ailleurs, avant de commander une musique originale à Philippe Rombi, Ozon envisageait d’utiliser directement les scores des films de Sirk mais y renonça, craignant que l’hommage soit perçu comme ironique. Du coup, Angel demeure un peu trop sérieux et, de peur de tomber sur un second degré inopiné, raisonnablement lyrique. Dommage car, sur d’autres titres comme 8 Femmes ou Potiche, Ozon savait se montrer à l’aise pour mêler flamboyance et ironie ; ce n’est pas le cas d’Angel qui se révélera par conséquent moins mémorable.

BASTIEN MARIE

Autres films de François Ozon sur le Super Marie Blog : L’Amant double (2017) ; Grâce à Dieu (2019) ; Été 85 (2020)

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