
The Challenge Film d’action américain (1982) de John Frankenheimer, avec Scott Glenn, Toshiro Mifune, Donna Kei Benz, Atsuo Nakamura, Sab Shimono – 1h53
Rick, un vieux boxeur de Los Angeles qui peine à joindre les deux bouts, est engagé par le clan Yoshida pour livrer un katana sacré au Japon. A peine sorti de l’aéroport, il est enlevé mais le sabre se révèle être un leurre. Rick parvient à échapper à ses ravisseurs et retourne auprès du clan mené par le charismatique Toru Yoshida. Il devient vite son disciple, les deux hommes étant bien décidés à mettre fin à la vieille trahison familial entourant le katana si convoité.
Avec À armes égales, John Frankenheimer embarque donc Scott Glenn pour le pays du soleil levant et, autant le dire d’emblée, s’il ne signe pas ici son meilleur film, il permet au moins à l’acteur d’obtenir son premier rôle principal mais aussi l’un des rares de sa carrière (y’a bien le Creasy de Man on Fire… mais de Chouraqui). Quelque part entre David Carradine pour le côté occidental initié aux martiaux (mais aussi pour l’air fonsdé !) et Mireille Mathieu pour la coupe de cheveux, Scott Glenn prête donc son grand corps à Rick, un boxeur paumé qui n’a pas grand chose du héros flamboyant mais qui trouvera malgré tout un peu de dignité au contact du maître Toru Yoshida. Pour incarner ce dernier, Frankenheimer peut compter sur le charisme naturel du légendaire Toshiro Mifune qu’il retrouve quinze ans après Grand Prix. En réalité, sur le tournage, Scott Glenn fut déçu des ambitions de son réalisateur et comprend vite que la profondeur du script écrit par John Sayles (auteur des premiers Joe Dante) et Richard Maxwell (L’Emprise des ténèbres) serait sacrifiée au profit d’un film d’action autrement plus basique. Qu’importe, il est vite consolé par Toshiro Mifune qui décide de lui faire découvrir le Japon… et c’est vrai que ça devait peut-être valoir plus le détour que le voyage proposé par Frankenheimer !

Si À armes égales a bien été tourné à Kyoto, entre le futuriste Conference Hall et l’ancestrale temple Shôkoku-ji, ainsi que des scènes à priori tournées dans l’urgence dans un marché et un défilé traditionnel, il faut bien reconnaître que le film semble souvent se cantonner aux images d’Épinal. On ne peut pas dire que la scène de repas à base d’anguilles vivantes avalées avec du saké, annonçant celle à venir d’Indiana Jones et le Temple maudit, ne relève vraiment le niveau. Le film anticipe également le célèbre supplice que connaîtra David Bowie dans le Furyo d’Oshima (ou la même année Ted Danson dans Creepshow), sauf qu’ici, enterrer le pauvre Scott Glenn, debout avec uniquement la tête hors du sol, n’est qu’un rite initiatique de ces sadiques de japonais. Enfin, on fera aujourd’hui plaisir à nos spectateurs les plus « woke » en notant que ce grand dadais de Rick, en réglant tranquilou un violent conflit familial qui durait depuis des décennies, en réunissant enfin les deux sabres sacrés et en emballant la fille au passage, coche bien toutes les cases du « White Savior ».
Après avoir ainsi chargé la mule, il convient de rappeler qu’À armes égales reste malgré tout un film d’action efficace. Il va sans dire que John Frankenheimer, ça, il sait faire ! D’autant qu’il retrouve pour l’occasion un Jerry Goldsmith dont on a aucun mal à croire qu’il composait la BO de Rambo au même moment. Dès son mystérieux prologue, l’affaire est très bien huilée et culmine dans son assaut final mettant à l’honneur l’infiltration avant une joute carrément mémorable. En effet, alors que Toru/Mifune est tenu en échec par le traître Yoshida, c’est bien Rick/Glenn qui doit relever les manches et s’emparer du sabre de samouraï. Son maniement des plus approximatifs donne tout son charme à un affrontement qui ruine avec enthousiasme l’intégralité du décor dans ce qui n’a plus grand chose à voir avec du chambara (on en profite pour signaler qu’un jeune Steven Seagal a pourtant participé aux chorégraphies…). Ce brave Yankee de Rick, à force de se débattre comme un beau diable face à un adversaire enragé, finit par trouver un créneau et asséner l’attaque fatale, tranchant d’un coup la tête du vilain façon pastèque… Pouah, si c’est pas du cinéma ! Oups, je m’aperçois que cet article contenait des spoilers… Désolé.
CLÉMENT MARIE