Film de Science-fiction américano-irlandais (2019) de Lorcan Finnegan, avec Imogen Poots, Jesse Eisenberg, Jonathan Aris – 1h37
Alors qu’ils cherchent désespérément une maison, Gemma et Tom se rendent dans une agence où ils tombent sur un bien étrange agent immobilier. Ils partent avec lui voir une maison située dans un immense lotissement tout aussi étrange. Très vite, la visite vire au piège inextricable…
ALERTE SPOILERS : Film concept révélant assez vite ses enjeux, Vivarium n’en est pas moins spoilable. Aussi, il peut être préférable de le découvrir sans en savoir davantage…
On aura déjà beaucoup dit dans cette « spoiler alert » : Vivarium est donc un film concept, s’inscrivant dans la lignée de l’inoubliable Cube de Vicenzo Natali (aussi réalisateur du plus confidentiel mais néanmoins intéressant Nothing) et du récent La Plateforme qui n’a pas manqué de faire beaucoup de bruit (et pas pour rien) sur une autre célèbre plateforme au N rouge. Passée une introduction aviaire lourde de sens, Lorcan Finnegan préfère, plutôt que de les plonger directement dans son labyrinthe, opter pour une présentation simple mais efficace de ses protagonistes, interprétés par les excellents Imogen Poots (actrice qu’on adore et qui gagnerait à être davantage connue) et Jesse Eisenberg (qui se retrouvent aussi cette année dans The Art of Self-Defense). Vite pris au piège d’une glaçante maison témoin, le calvaire de nos héros convoque également des références plus anciennes, mais pourtant largement aussi fondatrices, en nous rappelant à des séries telles que Le Prisonnier et La Quatrième Dimension. Si le carton Black Mirror a remis ces œuvres au goût du jour en enfantant plusieurs séries anthologiques fantastiques/SF à la réussite apparemment relative, Vivarium peinera à priori à vraiment briller par son originalité. Lorcan Finnegan ira certainement jusqu’à frustrer certains spectateurs en en disant peut-être trop ou pas assez sur l’épais mystère qui enveloppe son film, même si l’explication de créatures lovecraftienne semble clairement se dessiner dans le dernier acte jusqu’à un final rappelant le Midnight Meat Train adapté de Clive Barker par Ryûhei Kitamura.

Frustant et vain, Vivarium le serait certainement s’il ne se démarquait pas par son imagerie radicale. Lorcan Finnegan et son équipe invoquent ainsi le surréalisme de Magritte pour mieux pousser l’American Way of Life issue des 50’s dans ses travers les plus inquiétants, nous rappelant au passage des films tels qu’Edward aux mains d’argent, Pleasantville mais aussi le moins connu mais pourtant vivement recommandable Parents. Via un aussi inquiétant qu’insupportable gamin que nos héros sont sommés de prendre en charge (au grand malheur du spectateur), Finnegan nous livre une sorte de négatif du film de Bob Balaban où le rapport de force entre les personnages n’en ait que plus implacable, allant jusqu’à faire exploser un couple qui semblait pourtant armé pour affronter l’aliénation sociale. Idyllique, le ciel qui surplombe les lieux nous rappelle le motif du papier-peint de la chambre d’Andy dans Toy Story mais, loin des rêves d’aventures enfantines de Pixar, c’est ici l’idée autrement plus cauchemardesque d’un mur sans fin qui s’impose ici à nous. Vivarium est une prison d’autant plus terrifiante que l’allégorie ne laisse aucun doute. Si le point de départ du film cible directement l’enfer immobilier qui mine nos sociétés modernes, Lorcan Finnegan se sert de cet inquiétant conte de science-fiction comme parabole peu réjouissante de la morne existence d’une classe moyenne vivant en banlieue pavillonnaire.
Vivarium ne manque pas de radicalité mais donne quand même l’impression d’étirer son programme et, si l’effet est voulu et nous fait vivre pleinement l’aliénation des personnages, le film en devient vite logiquement une expérience assez laborieuse. Aussi, ses répétitions viendront certainement à bout d’une partie du public qui trouvera l’heure et demie interminable, d’autant que l’issue, à lire les réactions autour de La Plateforme, ne sera sûrement pas assez prémachée. Les autres, qui auront compris que l’entertainment sera ici tordu ou ne sera pas, apprécieront de voir un film faire ainsi l’impasse sur l’amabilité pour se montrer d’une telle noirceur.
CLÉMENT MARIE