Sibyl

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Sibyl est une psychologue voulant revenir à sa première passion, l’écriture de romans. Au moment de cette reconversion, elle reçoit une nouvelle patiente, Margot, une jeune actrice en détresse, enceinte de l’acteur de son prochain film, en couple avec la réalisatrice. Pour l’aider, Sibyl accepte de l’accompagner sur le tournage à Stromboli…

Trois ans après Victoria, Justine Triet retrouve Virginie Efira et le festival de Cannes, passant de la Semaine de la critique à la compétition officielle. Malheureusement, la sélection relevée de cette année n’a pas aidé Sibyl à se faire remarquer, surtout que ce nouveau film ressemble beaucoup au précédent : un nouveau portrait de femme moderne et débordée, donnant son nom au film et jouée par Efira, qui n’est plus avocate mais psychologue. Le film est sous l’influence de deux autres : Une autre femme (1988) de Woody Allen, dans lequel Gena Rowlands espionnait les consultations psy de Mia Farrow pour trouver l’inspiration d’un roman (soit la même relation entre Efira et Adèle Exarchopoulos dans ce film-ci), et Stromboli (1950) de Roberto Rossellini, Triet ayant posé au pied du volcan son tournage fictif.

S’il est très proche de Victoria, à part pour le ton cette fois plus sérieux, Sibyl semble toutefois viser plus loin en confrontant l’héroïne à une autre femme qui lui ressemble et lui rappelle son passé, en les embarquant sur le tournage d’un film qui va exacerber leurs émotions et brouiller leurs rôles entre réalité et fiction. Triet flirte donc avec le thriller, jouant sur le trouble identitaire et sentimental du personnage, mais le film s’arrête malheureusement au seuil du genre, comme s’il avait peur de s’y perdre. Le passage à Stromboli est également un peu décevant. Curieusement, c’est sur l’île que le film trouve le plus d’humour (notamment grâce à Sandra Hüller, l’actrice de Toni Erdmann, qui lutte pour garder la tête sur les épaules) alors qu’on se serait attendu plutôt à y voir un pic dramatique. Et sous le souvenir pesant du film de Rossellini, ce film-ci peine à puiser une puissance, un envoûtement à son décor naturel.

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Sibyl (Virginie Efira) se la joue blonde hitchcockienne pour un film qui ne l’est pas tant que ça.

Même s’il ne tient pas toutes ses promesses, Sibyl reste tout de même captivant grâce au savoir-faire de sa réalisatrice et de sa complicité évidente avec son actrice. Comme dans Victoria, on retrouve le montage vif et précis, morcelant la vie de l’héroïne en images de brefs moments, précieux ou douloureux, sans jamais perdre de fluidité ou de profondeur, bien au contraire. On retrouve également une écriture chirurgicale et des répliques cinglantes frappant droit au cœur – et Sibyl est encore moins épargnée que Victoria ! Du coup, autour de Virginie Efira, une nouvelle fois brillante, le casting est impeccable et croque des personnages riches, même dans les courtes séquences qu’on leur accorde. Adèle Exarchopoulos en jeune actrice à la détresse communicative, Gaspard Ulliel en acteur séduisant expert du mensonge, Laure Calamy en sœur manipulatrice, Niels Schneider en amant toxique et lâche qu’on n’arrive pas à oublier (il avait déjà fait le coup à Efira dans Un amour impossible !) : ils sont tous très bons et assez ambigus pour faire planer sur Sibyl un air de paranoïa. Même si on aurait aimé que le trouble prenne un peu plus le pas sur l’étude de personnage, le nouveau film de Justine Triet reste assez intrigant pour avoir mérité sa place en compétition cannoise…

BASTIEN MARIE

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Une réflexion sur “Sibyl

  1. Je vous rejoins sur la qualité de cette première partie brillamment de construite sous le contrôle absolu d’une réalisatrice inspirée.
    La seconde partie ne m’a pas déçu non plus je dois admettre, travaillant sur le cliché avec humour, sur les atours factices, les postures, dont Sibyl s’est visiblement affublé tel un personnage de cinéma. La référence au volcan, et à travers lui le clin d’œil à Rossellini, me semble relever d’un second degré astucieusement cultivé par Justine Triet et son co-scenariste Arthur Harari (don’t le rôle dans le film n’est d’ailleurs pas anodin).
    Bel article.

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