The Beguiled Drame américain (2017) de Sofia Coppola, avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Elle Fanning et Angourie Rice – 1h33
En Louisiane, le caporal nordiste McBurney, blessé, est recueilli dans le pensionnat de jeunes filles dirigé par Miss Martha. Mais la présence du soldat va troubler la tranquillité de l’établissement…
Sofia Coppola fut bien déçue que sa version live de La Petite Sirène ait capoté, car elle voyait déjà Nicole Kidman en vilaine sorcière des fonds marins. Heureusement, sa décoratrice Anne Ross lui a sauvé la mise en lui glissant un exemplaire des Proies et du remake envisagé par Universal qui va avec. Sofia a finalement pu caster Kidman et ses copines Kirsten Dunst et Elle Fanning dans ce film tourné très vite (26 jours) et pour la première fois sans le parrainage de papa à la production. Pour reprendre le rôle de Clint Eastwood, les producteurs voulaient apparemment Chris Pratt, mais Sofia lui a préféré Colin Farrell, retrouvant la Kidman quelques semaines seulement après le clap de fin de Mise à mort du cerf sacré, primé à Cannes en même temps que Les Proies, avec le prix du scénario pour Lanthimos et celui de la mise en scène pour Coppola. Celle-ci s’est défendue d’avoir tourné un remake du film de Don Siegel mais bien une nouvelle adaptation du roman (bien que le générique mentionne prudemment les deux sources) ; c’est vrai que le terme de remake n’a pas la cote en ce moment, sauf quand le copain Quentin Tarantino vous organise un double feature des deux films dans son cinéma de Los Angeles…
Moi qui n’ai pas vu Les Proies de Don Siegel (je sais, j’ai prévu de me faire lapider la semaine prochaine), je ne vais pas me lancer dans la comparaison avec le film original. Cependant, je pense qu’il serait réducteur de dire que Sofia Coppola apporte un point de vue féminin à l’histoire car ce serait supputer que le film de Siegel soit machiste, ce qui m’a l’air aussi difficile à prouver que le fascisme de L’Inspecteur Harry. Quoiqu’il en soit, même sans connaître les détails des éventuels apports de Coppola, j’ai trouvé ses Proies ma foi sympathique, un thriller bien ficelé dans le rigide corset du XIXème siècle qui a au moins le mérite d’être cohérent avec l’œuvre de la réalisatrice. Cela fait plaisir de la voir investir un cinéma plus classique avec un film d’époque moins joyeusement iconoclaste que Marie-Antoinette, mais dans lequel la réalisatrice de Virgin Suicides excelle encore à faire percer la complexité adolescente. Il n’aurait plus manqué que Kidman eût travaillé auparavant avec Sofia Coppola pour avoir un bel éventail des générations d’héroïnes de la cinéaste, se disputant drôlement autour de la confection d’une tarte aux pommes pour les beaux yeux de Colin, assez convaincant lui aussi (et, coïncidence amusante, né le même jour que Clint).

Les thématiques rappellent plus qu’elles n’enrichissent toutefois l’œuvre de Coppola qui ne surprend plus vraiment mais qui, au moins, ne nous déçoit pas comme avec Somewhere et The Bling Ring. Coppola se sauve cette fois par l’esthétique très soignée de son film. Tirant profit des quelques paysages de Louisiane qu’elle a pu saisir, Coppola opte en outre pour un format 1.66 fort judicieux pour enserrer ses personnage dans une claustrophobie et une intimité qui font beaucoup dans le suspens d’un thriller qui ne force pas ses effets par ailleurs. La photographie, sur 35 mm (pas étonnant que l’ami Quentin ait apprécié), de Philippe Le Sourd est également de toute beauté, rendant presque palpable l’ambiance Southern Gothic du film. Autant d’éléments visuels qui me font penser que le prix de la mise en scène à Cannes n’était pas qu’honorifique et que Les Proies a au moins ramené du cinéma joli à regarder la fin de ce morne mois d’août.
BASTIEN MARIE