Hidden Figures. Biopic américain (2016) de Theodore Melfi, avec Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monae, Kevin Costner, Kirsten Dunst, Jim Parsons, Mahershala Ali et Glen Powell – 2h07
Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson sont toute trois de brillantes mathématiciennes travaillant à la NASA mais, étant afro-américaines, elles doivent se contenter de vérifier les calculs des autres. Mais après que l’agence ait pris un revers par l’URSS qui vient d’envoyer le premier homme dans l’espace, elles vont profiter de l’emballement des opérations pour acquérir de meilleurs postes…
Après le succès de son film Netflix St Vincent, qui obtiendra deux nominations aux Golden Globes, Theodore Melfi s’est retiré de la short list des potentiels réalisateurs de Spider-Man Homecoming pour mettre en scène ce biopic sur trois femmes noires ayant fait leur chemin à la NASA dans les années 1960. Adapté du livre de Margot Lee Shetterly, fille d’employé de la NASA, par la scénariste Allison Schroeder, mordue de mathématiques ayant fait un stage à l’agence spatiale, Les Figures de l’ombre est chapeauté par Pharrell Williams se trouvant soudain une passion pour l’espace en produisant et en mettant en musique le film. In fine, Les Figures de l’ombre est sorti à la période idéale pour se faire une bonne place à la course aux Oscars en quête de diversité, laissant toutefois Moonlight – dans lequel jouaient également Mahershala Ali et Janelle Monae – remporter la statuette suprême.

C’est dommage car, même s’il est un biopic très classique, Les Figures de l’ombre est, si on doit rester dans la compétitivité, un film au moins aussi bon que Moonlight. Passée une intro en sépia aussi vaine que moche, Theodore Melfi annonce clairement la couleur, si je puis dire, avec la présentation de ses trois braves héroïnes en panne au bord de la route : anticipant et déjouant les préjugés racistes et sexistes du flic qui finira par les escorter, elles se mettent en route pour l’Histoire dans laquelle elles comptent bien trouver leur place par la petite porte (Octavia Spencer est d’ailleurs rompue à l’exercice). Les Figures de l’ombre ne cache donc rien de ses motivations revendicatrices (il s’agit littéralement de les ramener dans la lumière) et compte bien les accomplir dans un film funky et assuré, à l’image de la musique de Pharrell Williams (qui s’est pas non plus fait chier pour la BO) et de son trio d’actrices impeccables et drôles.
Malheureusement, le contrat n’est tenu qu’un temps, et Les Figures de l’ombre a tôt fait de renouer avec les formules les plus indécrottables du biopic et de son relatif suspens. Dès lors, Williams passe la partition à Hans Zimmer (qui s’est pas fait chier non plus), Melfi pousse le curseur sur larmoyant (ce qu’il évitait habilement de faire dans St Vincent pourtant), et Taraji P. Henson s’applique sur les pages du script marquées « for the consideration of Academy members ». Comme le nombre d’orbites du cosmonaute revu à la baisse à cause d’un problème technique, Les Figures de l’ombre se voit également bridé par des conventions d’autant plus évitables que parcimonieuses et tranchant avec la légèreté de l’ensemble. S’il avait fait un peu plus confiance au rythme très soutenu de son script et au feeling gentiment black power, Theodore Melfi aurait signé un biopic plus mémorable et étonnant que la moyenne. Surtout s’il se fondait sur cette belle idée qu’à la NASA, avec la tête dans les étoiles et les yeux vers l’avenir, la société évolue logiquement plus vite qu’ailleurs. Une idée présente dans Les Figures de l’ombre (notamment par le flegme de Kevin Costner qui est persuadé de jouer dans un film uniquement sur la conquête spatiale) qui le rend assez plaisant, mais encore une fois pas à la hauteur de l’histoire qu’il raconte à force de viser la mauvaise académie.
BASTIEN MARIE