Comédie musicale américaine (2016) de Damien Chazelle, avec Emma Stone et Ryan Gosling – 2h08
A Los Angeles, Mia, actrice courant les castings infructueux, et Sebastian, pianiste de jazz voulant ouvrir son propre club, tombent amoureux et tentent ensemble de réaliser leurs rêves…
Trois ans après le remarqué et remarquable Whiplash, Damien Chazelle est de retour avec ce deuxième film hyper hypé, faisant déjà beaucoup parler de lui alors que son casting se composait encore de Miles Teller et Emma Watson. Si le réalisateur nous montre à nouveau la virtuosité de sa mise en scène, ce deuxième effort s’avère malgré tout très problématique. Et oui, malgré l’engouement mis en avant par sa sa promotion agressive, on n’est pas obligé d’aimer La La Land…

Alors qu’il nous est vendu comme un irrésistible « feel good movie », La La Land s’avère en réalité beaucoup plus amer, ce qui en soit ne serait pas du tout un défaut si sa nostalgie ne virait pas souvent au passéisme le plus douteux. Dans Whiplash, une certaine distance était de mise avec ses personnages que l’orgueilleuse quête d’excellence rendait souvent monstrueux, Chazelle semble ici beaucoup plus proche de son couple glamour sans pour autant parvenir les rendre plus sympathiques. Ainsi, son propos semble souvent se fondre avec celui de Sebastian, son jazzman hater qui, comme le souligne d’ailleurs l’un des personnages du film, passe son temps à faire l’éloge de musiciens révolutionnaires en se montrant lui-même réfractaire au changement. Multipliant les références aux chefs d’œuvres du genre de l’âge d’or hollywoodien ainsi qu’aux films de Jacques Demy, Chazelle réalise sa comédie musicale idéale, faisant l’impasse sur les révolutions musicales qui ont eu lieux depuis (hip hop, rock, electro) quand il ne fout pas carrément de la gueule de la pop des années 80. Un comble pour l’acteur de Drive ! Le rôle semble néanmoins écrit spécialement pour Ryan Gosling et ses airs de chien battu et l’acteur est globalement plutôt bien dans ses chaussons. Cela semble néanmoins un peu moins cohérent quand le musicien intransigeant se met à danser sur du jazz de blancs mais qu’importe, le genre n’est-il pas coutumier de ce type de paradoxes ? (remember Le chanteur de Jazz…) Face à lui, Emma Stone incarne une jeune actrice qui rêve de devenir Emma Stone. Si sa performance est largement saluée, elle ne manquera pourtant pas de mettre mal à l’aise les spectateurs réfractaires à ses charmes, l’actrice se montrant souvent aussi grimaçante qu’une Rénée Zellwegger pré-chirurgie.
Néanmoins, les cours intensifs de danse ont porté leurs fruits et les deux stars assurent plutôt bien les numéros musicaux, même si on reste à des années lumières de Fred Astaire et Gingers. Qu’importe, les scènes dansées se comptent sur les doigts de la main. Sur les deux bonnes heures que dure La La Land, on conviendra que ce n’est pas très généreux. C’est bien là un autre de ses problèmes car le reste du temps, on s’ennuie un peu. Il faut dire que Chazelle, malgré sa mise en scène enlevée, a bien du mal à passionner avec son histoire qui en mêle pour la énième fois l’amour aux aspirations artistiques sans raconter grand chose de plus. La sympathique mais tardive pirouette finale n’y fera rien, s’il n’est pas le Stanley Donen de Chantons sous la pluie, Chazelle n’est pas non plus celui de Voyage à deux. Qu’importe qu’il n’apporte rien au genre, Hollywood aime la flagornerie et être rappellée à ses années les plus fastes. The Artist ne l’avait-il pas emporté aux Oscars pour les mêmes raisons ? Il n’empêche que le détournement muet d’Hazanavicius, qui payait également son tribut à Chantons sous la pluie, avait plus de charme.
S’il est loin d’être dénué d’intérêts (la photo, la technique et le montage sont au diapason et une apparition, même brève, de JK Simmons fait toujours plaisir), La La Land, en dépit de tous ses efforts pour paraître cool, est un film assez antipathique. Cela n’augure pas du meilleur pour un auteur proclamé nouveau génie d’Hollywood mais qui se montre ici des plus rétrogrades. C’est non sans une certaine appréhension qu’on attend donc son Last Man où Chazelle retrouvera Gosling mais troquera Louis Armstrong pour Neil. Si c’est pas du white washing ça ?!!
CLEMENT MARIE
Et pour une critique plus favorable, cliquez ici.