Comédie musicale américaine (2016) de Damien Chazelle, avec Emma Stone et Ryan Gosling – 2h08
A Los Angeles, Mia, actrice courant les castings infructueux, et Sebastian, pianiste de jazz voulant ouvrir son propre club, tombent amoureux et tentent ensemble de réaliser leurs rêves…
Attention, il est préférable d’avoir vu le film, si ce n’est déjà fait, avant d’aller plus loin.

De son passage au festival de Venise où Emma Stone a remporté une Coupe Volpi à ses quatorze nominations aux Oscars, La La Land a acquis une telle surmédiatisation qu’il peut devenir difficile d’en parler puisque tout et n’importe quoi a déjà été dit sur cette « surprise rafraîchissante », tel que le veulent ces cinq mois d’hyper-promo. Une méthode qui pourrait devenir contre-productive puisqu’elle ne va pas tarder à ouvrir aussi la porte à d’innombrables haters et sujets au syndrome Pierre Murat (du nom d’un critique de Télérama, c’est un mal quasi-incurable qui consiste à détester un film uniquement en raison de son buzz international), autant de personnes qui, n’appréciant guère qu’on leur dise ce qu’ils doivent aimer, sont en revanche beaucoup plus enclins à détester de manière tout aussi systématique. Voilà donc la certitude qu’on peut avancer sur La La Land : qu’on l’aime ou non, seul le temps jugera s’il est aussi mémorable que Chantons sous la pluie ou Tous en scène, modèles reconnus du dernier film de Damien Chazelle.
Pour ma part, je suis ravi de découvrir qu’il est aussi difficile d’échapper à la campagne publicitaire de La La Land que de résister à son charme. Damien Chazelle connaît ses classiques et est assez talentueux pour s’en montrer digne et éblouir en quelques minutes avec son balai inaugural. La La Land renoue – et assume – avec la fabrique à rêves de son cadre, Hollywood. Tout le crew de Chazelle se met au diapason pour livrer un film qui fait un bien fou mais reste aussi fragile : bien souvent, les séquences menacent de sombrer dans le cliché ou de s’embourber dans sa propre barbe-à-papa, mais le timing parfait de Chazelle et de son putain de monteur Tom Cross permet toujours à La La Land de se renouveler à temps et reprendre son souffle. Énergique et virtuose, La La Land l’est indéniablement, et si vous pensez que ce n’est que l’aveuglement d’un fan de comédie musicale qui le dit, alors souvenez-vous de Rob Marshall !
Bon, si vous voulez vraiment que je devienne tatillon, La La Land pourrait ne pas vraiment être une comédie musicale. Il y a finalement peu de numéros musicaux, le score de Justin Hurwitz tourne autour de quelques mélodies savamment disséminées et répétées au long du film, et l’apothéose finale, bien que magnifique, est un peu courte, Chazelle n’étant pas aussi casse-cou que Gene Kelly. Mais ce ne serait des défauts que si ce n’était pas aussi absolument cohérent dans le projet de Chazelle. Puisque ce dernier fait le portrait d’un couple de rêveurs (quoi, j’ai vraiment besoin de préciser que Emma Stone et Ryan Gosling sont fantastiques ?!) se construisant son propre univers hérité des musicals d’antant, c’est évident que les numéros se cloisonnent du reste de l’action avant d’être interrompus par la trivialité du quotidien (klaxons, sonneries de portable, etc). La La Land est le reste du temps un douloureux constat de la compromission qu’impose le réel aux artistes et aux amoureux, que leur heureuse nostalgie ne peut contrecarrer. La comédie musicale est le cœur battant du couple, pareil aux musiques particulières aux voitures qu’on entend brièvement dans l’embouteillage du début, et au balai final qui est la relecture optimiste et bouleversante d’un film pas si sucré que ça. La nostalgie de Chazelle n’est donc pas gratuite ou prétexte à la récolte d’Oscars, elle est le centre essentiel, aussi réconfortant qu’angoissant, d’un La La Land qui excelle autant à ranimer les rêves de Hollywood qu’à compter les sacrifices qu’ils impliquent. Qui l’eut cru, la dithyrambe démesurée des médias s’applique cette année à un film beaucoup plus lucide qu’il n’en a l’air. Double occasion pour Chazelle de s’imposer comme un jeune maestro avant d’aller s’envoler avec Gosling sur la Lune pour First Man, laissant le monde spéculer sur son génie. Et moi je vous laisse aussi, la prochaine séance de La La Land commence dans dix minutes…
BASTIEN MARIE
Pour une critique moins favorable, cliquez ici.
Très bonne critique très bien écrite
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Merci ! Mais bon, j’ai trouvé le film tellement merveilleux, que c’était assez facile…
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